« Nul homme n'est une île »,comme dit le poète anglais John Donne. Certes, mais la tentation est grande de s'en trouver une, d'île - d'y accoster seul, ou avec les siens, pour vivre tranquille loin des autres, dont on sait aussi qu'ils sont l'enfer. L'héroïne de Des excuses pour les chiens de Marion Bello, Lorraine, est mère de deux enfants - Gaspard en primaire, et Achille un an et demi -, et a beaucoup de mal avec « les mondanités scolaires ». Fin d'année oblige, on n'y coupe pas si l'on veut se montrer bons parents, c'est la traditionnelle fête de l'école. Jérôme, le mari de Lorraine, n'est pas plus doué pour les « RP » en société : aller chercher le doudou d'Achille oublié dans la voiture ou rentrer à la maison pour lui cuire des pâtes, toute occasion est bonne pour se dérober à la tâche d'échanger sur les questions pédagogiques ou, plus largement, le vivre-ensemble dans ce petit établissement privé. Gaspard, qui souffre d'Asperger, sort depuis peu de sa coquille et s'amuse comme un fou avec ses copains. Lorraine reste en plan avec le petit dernier et parmi les parents d'élèves, qui la font culpabiliser de ne s'être guère impliquée dans ces festivités. Pas qu'ils lui reprochent quoi que ce soit, la culpabilité vient de Lorraine qui, comme elle l'avait formulé à une occasionnelle psy, se soucie désespérément d'« essayer de paraître normale ». Dans sa famille, père, mère, frère, sœurs, chacun sa case.

Le barbecue tourne à l'aigre quand Alex Lugli, le père de Shabila, va voir Lorraine pour lui dire que Gaspard a insulté sa fille. Le ton monte à tel point que Lorraine craint qu'il la frappe. De retour à la maison, elle raconte tout à Jérôme, son « bodyguard » (elle trouve à son compagnon un faux air de Kevin Costner qui interpréta le rôle de garde du corps dans le film à succès des années 1990). Mais loin de régler le problème et son compte à Alex Lugli, voilà que son preux chevalier rapporte qu'Alex a molesté le petit Vassili lors de la fête en pensant qu'il s'agissait de leur fils Gaspard ! Plainte à la gendarmerie, esclandre, imbroglio kafkaïen... L'incident ricoche vers la mémoire douloureuse de Lorraine.

Marion Bello, à travers un premier roman d'un réalisme percutant, nous plonge dans l'histoire traumatique de l'héroïne, dont la mère « a voulu la détruire ». Lorraine va devoir se confronter à son passé et à cette mère toxique,« sorcière au bois dormant », « cuirassée dans ses mensonges et dans sa haine », qui ne sut pas protéger l'enfant qu'elle fut.