Depuis le début des années 2010, le Canadien Michael DeForge publie des bandes dessinées inventives et uniques. Derrière le surréalisme et la poésie de ses expérimentations formelles, il livre une réflexion distanciée sur le monde contemporain, avec un certain goût pour les phénomènes étranges et les transformations inexpliquées.
Un sillon qu'il continue de creuser dans Un visage familier, où il met en scène un monde aux prises avec une technologie non maîtrisée. Régulièrement, les humains mais aussi leurs corps, leurs maisons, leurs objets, la topographie, sont mis à jour afin d'être améliorés, optimisés. Les gens changent de forme de manière incontrôlée, et chacun doit alors se réadapter à sa nouvelle morphologie, à son environnement, aux autres. La narratrice est une jeune fonctionnaire à la tâche répétitive et inutile.
Un matin, au réveil, sa compagne n'est plus là. Disparition volontaire ou pas ? Aurait-elle rejoint un groupe de dissidents ? En tentant de la retrouver dans cet univers mouvant, l'héroïne finit remettre en question son rôle dans cette société.
Pour représenter ce futur anxiogène, épuisant et triste, Michael DeForge pare son dessin minimaliste- mais toujours parfaitement lisible- de couleurs paradoxalement toniques, qui donnent de la vitalité au récit. Il s'amuse à jouer sur les formes et les motifs, et fait de certaines cases de véritables tableaux entre Bosch et Miró.
Une abstraction qui n'enlève rien à la limpidité et à la tension du récit, porteur de véritables interrogations existentielles. Sans livrer de jugement, il offre une fable politique subtile, doublée d'une histoire d'amour désabusée.
Un visage familier Traduit de l’anglais par Christophe Gouveia Roberto
Atrabile
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 17 € ; 176 p.
ISBN: 9782889231096