Homme aux mille vies, tour à tour résistant, journaliste, cinéaste et auteur de théâtre, Armand Gatti est décédé jeudi 6 avril à l'âge de 93 ans, laissant derrière lui une œuvre engagée, novatrice et marquée par les expériences collectives.
Né à Monaco le 26 janvier 1924 de parents émigrés italiens (son père est éboueur, sa mère femme de ménage), Sauveur Dante Gatti de son vrai nom connaît une enfance pauvre. Tout en gagnant sa vie très jeune, il commence à écrire poésie et théâtre. En 1942, il s'engage comme résistant en Corrèze. Arrêté l'année suivante, déporté puis évadé, il rejoint Londres puis prend part à la campagne de France comme parachutiste. Cette expérience va considérablement nourrir son oeuvre.
Après la guerre, il se tourne vers le journalisme comme chroniqueur judiciaire puis reporter (Le Parisien libéré, Paris Match, L'Express...). Il remporte le prix Albert-Londres en 1954 pour une enquête sur les dompteurs de fauves avant de se consacrer exclusivement au théâtre à la fin des années 1950.
C'est le metteur en scène Jean Vilar qui monte en 1959 sa première pièce au TNP, Crapeau-buffle, qui "fait éclater les structures de l'écriture et de la mise en scène". Mais la pièce est très mal accueillie par la critique. Obnubilé par le besoin de toucher le public populaire, Armand Gatti l'insoumis renonce rapidement au théâtre traditionnel et multiplie à partir de 1968 les expériences, auprès d'immigrés, délinquants, défavorisés et détenus, dans des ateliers de création populaire menés à travers la France.
Production théâtrale abondante
Il puise ses sujets dans l'actualité et ses voyages (Chine, Cuba, Amérique latine, Irlande), utilise de multiples formes d'expression (audiovisuel, lecture de textes) et développe ses créations collectives en usine, collège, prison (L'arche d'Adelin, Le chat guerrillero, Le canard sauvage, La première lettre).
Sa production théâtrale, où le mythe se marie au quotidien au travers d'une écriture lyrique, est abondante et a été réunie dans neuf volumes au Seuil pour la seule période allant de 1958 à 1975.
Plusieurs de ses pièces ont aussi été publiées chez Verdier, comme La parole errante (1999) ou La traversée des langages (2012). En novembre 2015, il participe à un livre d'entretiens, C'est quoi une vie passionnante?: entretiens avec Emile chez l'Aube.
Egalement réalisateur de cinéma, Armand Gatti est connu pour son premier long-métrage, L'enclos (1961), qui traite de l'univers concentrationnaire.
Plus récemment, c'est son petit-fils, Joachim Gatti, qui a fait la une des journaux pour avoir perdu un oeil en 2009 dans des heurts avec des policiers. Il participait à une manifestation de soutien aux occupants d'une clinique désaffectée, expulsés par les forces de l'ordre à Montreuil (93).