Quand ça arrive, ça arrive trop vite. On a beau s’y être préparés on n’y est jamais tout à fait, à la naissance de l’enfant : "Les premiers jours, les jeunes parents sont pris dans un vortex spatio-temporel […]."Troisième personne de Valérie Mréjen est le récit de cette drôle d’aventure que constitue dans un couple l’irruption de ce tiers - le bébé, l’enfant, "il" comme dit souvent le futur papa, même lorsqu’il s’agit d’un être à venir de sexe féminin. Et l’on s’étonne d’emboîter le pas de tant d’autres autour et avant soi, d’être, malgré le sentiment d’émerveillement vécu comme unique, l’heureux événement telle une grâce tombée du ciel et à soi personnellement adressée, un parent parmi d’autres, passant par les mêmes expériences de décoration (on se découvre les mêmes goûts que ses propres parents), prenant les mêmes infimes précautions, traversant les mêmes inquiétudes. Sous le regard maternel, la fille grandit, apprend le langage, joue : "La mère doit être envieuse de la joie éclatante exprimée par sa fille lorsqu’elle enfile un déguisement." La force de ce bref texte est sa justesse, une tendresse distanciée que traduit le titre même de l’ouvrage : "Elle met un certain temps à pouvoir dire ma fille. Même après la naissance, elle n’est pas sûre de pouvoir prononcer ces mots." Cette troisième personne du singulier c’est l’enfant mais aussi la mère, auteure et plasticienne. S. J. R.