Voilà un coffee-table book qui risque de prolonger votre pause-café. L’ouvrage que consacre Brigitte Govignon aux sous-vêtements à travers les âges a la légèreté d’une nuisette… mais au toucher de soie. Si le texte plus descriptif qu’analytique ressemble à de grosses légendes à prendre cum grano salis, la riche iconographie rédime l’exégèse relative. Là n’était sans doute pas le propos de l’auteure - qui a longtemps été éditrice de beaux livres, notamment au Chêne et chez La Martinière - de Caleçons, culottes & compagnie, qui a voulu un livre plaisant. Le lecteur, toujours installé à sa table basse, pourra se délecter d’une petite promenade en dessous de la ceinture, en tout bien tout honneur, parmi quelques classiques de la peinture ou de la publicité : l’Adam et Eve de Dürer (1504) ; le slogan détourné des slips Eminence, clin d’œil au film de Buñuel de 1972 : « Le charme secret de la bourgeoisie ».
Du proto-bikini des jeunes sportives de la villa du Casale (IVe siècle) au vieux slip kangourou du Gros Dégueulasse de Reiser, en passant par le « string » égyptien (XVIIIe dynastie, vers 1400 avant J.-C.) ou le caleçon « hygiénique » du Dr Rasurel en laine d’Australie distribué aux poilus de la guerre de 14, l’historienne de l’art embrasse large… Elle rappelle que Troyes, capitale de l’andouillette et de la tripe, est aussi celle de la bonneterie et du slip. Les premiers métiers à tricoter y apparaissent en 1745. Plus tard, ce sera une efflorescence de marques consacrées au sous-vêtement : Petit Bateau, Lacoste, Dim, Absorba ou Trois Matelots.
Ce beau livre n’est bien sûr pas sans informations. Saviez-vous que le pagne du Christ s’appelle le périzonium, mot latin dérivé du grec et signifiant « autour de la ceinture » ? Ou encore que la braguette, avant d’être l’ouverture zippée des pantalons contemporains, était une petite poche de tissu ou de cuir qui épousait l’entrejambe de ces messieurs ? Outre le fait que son aspect moulant valorisait la virilité de qui la portait, l’argent qu’on y glissait comme dans un portefeuille pouvait accentuer vos mâles vertus ; comme quoi, être sexy comme Crésus ne date pas d’hier…
Un chouïa de fierté nationale vibre à travers ces pages. A juste titre : le slip, bien qu’étymologiquement anglais (to slip : enfiler), a été inventé en France. « Le premier slip - pour athlètes - a été présenté dans le catalogue de Manufrance en 1906. [Il] a donc largement fêté ses cent ans ! Comme le stylo à bille, la moulinette à gruyère ou la Cocotte-Minute, il a marqué le XXe siècle. »
Sean J. Rose
