Par une entêtante homophonie, et en dépit d’une radicale inversion de perspective, le furieux d’Orlando, Floride, évoque l’Orlando furioso, ce long poème épique composé au début du XVIe siècle par Ludovico Ariosto, dit l’Arioste. Roland - le fameux Roland de Roncevaux - y entre en fureur, une fureur belliqueuse qui deviendra vite meurtrière, lorsqu’il voit la belle qu’il avait sauvée succomber au charme… d’un Sarrasin.
De nos jours, de Paris à Bruxelles et d’Orlando à Magnanville, les furieux sont partout, jusque dans la campagne électorale américaine. Et le très beau texte d’Antoine Leiris chez Fayard, Vous n’aurez pas ma haine, a beau résister, près de trois mois après sa parution, en deuxième position des meilleures ventes d’essais, les livres apparaissent comme des remparts bien fragiles face à la montée des intolérances et aux tentations de repli.
Ils sont pourtant bien présents, et pas seulement au rayon des essais. On a pu voir ces jours-ci les ventes du dictionnaire visuel allemand-arabe de Québec-Amérique redécoller en Allemagne, et en France "Le Guide du routard" réimprimer son guide visuel gratuit Hello ! spécialement destiné aux réfugiés.
"Aujourd’hui, le plus grand danger, c’est le fanatisme", souligne Amos Oz dans l’entretien exclusif qu’il a accordé à Livres Hebdo. Alors que son Judas, chez Gallimard, sera un des livres forts de la prochaine rentrée littéraire, le grand écrivain israélien assure qu’il "[aimerait] pouvoir dire que la littérature sauvera le monde". Mais, admet-il, "ce serait vous mentir". A défaut de se considérer comme un missionnaire, l’écrivain engagé, convaincu "qu’un monde morcelé en une centaine de pays avec des passeports, des drapeaux ou des armées, est une illusion", espère "ouvrir de nouvelles fenêtres dans le cœur des gens". C’est déjà beaucoup.