25 avril > Histoire Australie

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C’est le genre de livre d’histoires qui fait aimer l’Histoire. D’abord parce que l’auteur a le goût de l’anecdote et du récit. Ensuite parce qu’il est d’une solidité intellectuelle incontestable. Le premier chapitre de cette Fabrique du Paris révolutionnaire est saisissant. David Garrioch raconte comment les aveugles des Quinze-Vingts qui vont mendier découvrent un Paris qui s’éveille à leurs sens par les odeurs et les bruits.

En quelques pages, ce grand dix-huitièmiste, professeur à l’université Monash de Melbourne, en Australie, pose son sujet. Il fait surgir cette rue prérévolutionnaire, bouillonnante, sale, pleine d’effluves et de sentiments divers. Il dévoile aussi ces formes de solidarités particulières dans ces quartiers où tout le monde se connaît et qui fonctionnent comme des villages avec leurs codes de politesse et leurs insultes.

David Garrioch- Photo DR/LA DÉCOUVERTE

La suite est à l’avenant. David Garrioch creuse son sujet comme un sculpteur sa pièce, pour révéler les formes inattendues d’une ville et les mœurs de ses habitants. On parlait bien plus de langues à Paris, à cette époque, qu’aujourd’hui. D’une rue à l’autre, les accents et les patois changeaient. Les hiérarchies aussi ont évolué de 1700 à 1800. La coutume qui constitue le principal ciment de l’édifice politique et social se désagrège sous les coups de boutoirs de la faim, du pain qui augmente, de l’alphabétisation, du jansénisme, de la guerre de Sept Ans et des injustices sociales dont le procès de Damiens constitue un sommet. « Tout au long du siècle ou presque, Paris a formé une société où les gens savaient où était leur place. » Les Parisiens ont changé avec Paris. David Garrioch nous montre une ville qui enfle - plus d’un demi-million d’habitants dont près de 100 000 enfants -, qui se métamorphose et qui a besoin d’une autre forme de gouvernement. La naissance d’un espace public engendre une opinion publique. L’historien observe aussi une évolution des attitudes à l’égard de la mort et des pratiques religieuses. Et puis, il y a ces femmes, ces Parisiennes bavardes et cultivées qui servent de vecteur à l’information et à cette politique qui gagne du terrain pour permettre aux individus d’améliorer leur position sociale. En somme, l’Ancien Régime ne convenait plus à une ville nouvelle qui s’ouvrait à d’autres expériences politiques et économiques avec l’installation d’une solide bourgeoisie dans une cité cosmopolite.

Dans sa postface, Daniel Roche, professeur au Collège de France, qualifie cette étude de « grand livre d’histoire ». C’est en effet un ouvrage sensationnel, le premier de David Garrioch traduit en français, et il est d’une acuité remarquable. Sans doute fallait-il le recul d’un historien situé aux antipodes de la France pour saisir si bien et avec autant de verve le peuple de Paris. Laurent Lemire

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