Nouvelle banderille pour le pass Culture : la Cour des comptes estime le bilan du dispositif après trois ans mitigé, entre succès quantitatif et limites structurelles.
Les sages de la rue Cambon critiquent la montée en charge budgétaire rapide et mal anticipée du programme. Entre 2021 et 2024, les crédits dédiés au pass ont bondi de 92 à 324 millions d’euros, un coût principalement supporté par l’État.
Recalibrage du dispositif
La Cour recommande ainsi un recalibrage du dispositif, par exemple via une réduction du crédit individuel ou un ciblage des publics selon des critères sociaux et territoriaux.
Côté gouvernance, elle préconise l’intégration de la société pass Culture au sein du ministère de la Culture pour renforcer son pilotage, tout en améliorant la qualité et la diversité des offres, notamment via des partenariats avec des acteurs de la médiation culturelle.
Avec 84 % des jeunes de 18 ans inscrits fin 2024, le pass Culture affiche une couverture globale impressionnante, note néanmoins le rapport. Au total, 4,2 millions de jeunes ont utilisé l’application depuis 2019. Cependant, la Cour souligne que le dispositif « n’a que partiellement réussi à toucher les jeunes les moins familiers des pratiques culturelles ». Les jeunes issus de milieux populaires sont sous-représentés, seuls 68 % de ceux dont les parents sont ouvriers ou employés ayant activé leur pass contre 87 % pour ceux issus de milieux plus aisés.
L’attrait pour le livre, mais une diversification limitée
Malgré une augmentation du recours dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (87 % des jeunes y activant le crédit de 300 euros), le dispositif peine à répondre à ses ambitions de « démocratisation culturelle ». Les jeunes « décrocheurs » ou hors du système scolaire représentent encore une faible proportion des utilisateurs, bien que des partenariats avec les missions locales et l’Union nationale des Écoles de la deuxième chance soient en cours.
Le livre reste le bien culturel le plus prisé, représentant entre 42 % et 55 % des dépenses trimestrielles. Notamment, la part des mangas dans les achats a diminué de 40 % à 20 % depuis 2021, au profit de la littérature et des romans jeunesse. Le cinéma (21 % des dépenses en valeur) et la musique enregistrée (23 %) suivent, mais les musées et le spectacle vivant restent en retrait.
Dans le sens de la ministre
Les dispositifs de recommandation, prévus pour encourager la diversification des pratiques, s’avèrent peu efficaces : près de 90 % des réservations sont effectuées via le moteur de recherche plutôt que via les suggestions proposées. La Cour note que l’impact durable du pass est limité : une fois les crédits épuisés, seuls 38 % des jeunes poursuivent les activités découvertes grâce à lui.
Les conclusions de la Cour vont dans le sens de Rachida Dati, encore ministre démissionnaire de la Culture, qui a entrepris une discussion autour de la réforme du pass. Le développement d’une articulation renforcée entre sa part individuelle et collective pourrait mieux sensibiliser les jeunes à une diversité d’offres culturelles, promeut-elle autant que les sages. « Nous soutenons la demande de la Cour d’un plan d’action afin d’augmenter le taux d’accès au pass Culture de certains publics prioritaires », assure à Livres Hebdo Renaud Lefebvre, Directeur général du Syndicat National de l'Edition qui remarque que « la Cour dresse un bilan équilibré des pratiques des bénéficiaires, relevant en particulier que la littérature représente 40% des achats de livres. Enfin, elle souligne les limites de l’évaluation de l’impact durable du dispositif car « le ministère de la Culture ne s’est pas donné les moyens d’évaluer l’évolution des pratiques des jeunes avant et après l’utilisation du pass Culture » et que de l’objectif de diversification des pratiques culturelles n’a « jamais donné lieu à aucune définition ».
Les professionnels du livre s’opposent à l’évolution du modèle pouvant atténuer l’impact positif qu’a le pass pour l’industrie.