"Ce passe induit une notion de contrôle et de filtrage à l’entrée des services, en totale contradiction avec les valeurs fondamentales que nous défendons : un service public en accès libre, gratuit, ouvert à tous et toutes, sans discrimination et sans justification de l’usage qui en est fait", pointe l’Association des bibliothécaires de France (ABF), dans un communiqué publié ce lundi 26 juillet.
En sous-texte, les articles 3 et 4 de la charte des bibliothèques – "Aucun citoyen ne doit en être exclu du fait de sa situation personnelle" –, dégainés par des bibliothécaires parisiens dans une lettre adressée à la Direction des affaires culturelles (DAC) et à la maire de Paris. Ils signalent notamment que les publics les moins vaccinés, donc les plus exclus dans les bibliothèques, sont aussi les plus précaires.
Grève à partir de jeudi à Paris
"La lettre a recueilli, pour le moment, la signature de 245 bibliothécaires du réseau parisien, soit près de 40 % des effectifs présents", souligne Bertrand Pieri, représentant du personnel à la DAC, qui note par ailleurs qu’"aucun matériel pour lire le QR code du passe sanitaire n’a été distribué". Les syndicats appellent à entrer en grève à partir de ce jeudi 29 juillet.
Certaines l’ont devancé. "Au minimum neuf étaient fermées vendredi, et huit samedi", rapporte Bertrand Pieri. "Des grèves individuelles continuent chaque jour", complète Aurélia Collot, élue au comité technique de la Dac, présente lors des discussions, hier, avec la Ville.
Tâche supplémentaire
Au-delà de la résistance de principe au passe, les syndicats ont pointé sa mise en application : "Ces contrôles systématiques ajoutent des tâches de service public (plus lourdes même que les contrôles de jauges), alors que le réseau des bibliothèques continue à souffrir d’un manque chronique d’effectifs", interpelle le texte d’appel intersyndical à la grève. "Les agents sont exposés à des insultes, voire à des agressions physiques. Une plainte a été déposée pour agression verbale", ajoute Aurélia Collot.
Comme solution à court terme, ils proposent d’accueillir les usagers dans la limite de 49 personnes, seuil en-dessous duquel la détention d’un ticket d’entrée vaccinal n’est plus obligatoire.
"Mais on nous a répondu que limiter l’entrée en appliquant une jauge pose des problèmes de contentieux avec les personnes qui ont leur passe sanitaire, renseigne Aurélia Collot. La Ville doit maintenant prendre en compte l’avis de la préfecture. Les discussions sont en cours et une réponse devrait être donnée, demain, pour trouver une solution à long terme et globale pour les autres services de la municipalité, comme le sport."
Exceptions
Mais faut-il une mesure commune à tous les établissements municipaux qui accueillent du public ? Les bibliothèques parisiennes souhaiteraient reprendre leur statut exceptionnel, comme lorsqu’elles étaient les seuls lieux de culture ouverts en France. Les bibliothèques spécialisées et universitaires, la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI) – directement chapeautées par l’État et non pas la municipalité – ont d’ailleurs gardé ce statut exceptionnel, en échappant au passe vaccinal et autres justificatifs.
Sont également exemptées toutes les personnes qui cherchent à accéder aux bibliothèques et aux centres de documentation et de consultation d’archives "pour des motifs professionnels ou à des fins de recherche", précise le décret. Reste à déterminer maintenant ce que ces deux exceptions recouvrent.
Jauge à 49 usagers
Ailleurs, des villes ont décidé de ne pas dépendre du passe sanitaire et d’appliquer la jauge de 49 usagers. C’est le cas des médiathèques du réseau Grand Paris Sud Est Avenir ou des bibliothèques municipales de Toulouse, Marseille ou Lyon.
Dans la cité phocéenne, "au regard de la fréquentation enregistrée et de la programmation événementielle prévue", seule la bibliothèque municipale (à vocation régionale) de l’Alcazar exige un passe à son entrée. Même chose pour la grande bibliothèque lyonnaise de la Part-Dieu, distinguée des quinze bibliothèques d’arrondissement, qui avaient déjà mis en place une jauge jusqu’en mai. Elles l’ont simplement réactivée le 21 juillet.
Montpellier a fait le choix de réguler les entrées selon le passe sanitaire, décision qui a entraîné des grèves ces derniers jours. "J’ai signé pour n’exercer aucune discrimination, je refuse de refuser l’entrée des personnes non vaccinées", tranche une bibliothécaire, proche de Montpellier, dont l’établissement a opté pour la jauge, le temps de l’été. Elle n'est pas vaccinée, par choix. Filtre polémique, le passe sanitaire trouble tout un métier.