Certains êtres sont "balayés par les bourrasques de l’Histoire". D’autres parviennent à laisser durablement une empreinte. Jean-Paul Delfino s’intéresse aux uns et aux autres, en leur offrant une étoffe romanesque. Sa fresque Suite brésilienne dressait un portrait, en neuf volets, de ce pays qu’il aime tant. Il ne le quitte pas vraiment dans Les pêcheurs d’étoiles, puisque l’un de ses héros revient d’un voyage inoubliable sur cette terre, gorgée "d’alligators et de fruits étrangers nommés maracuja. Ce n’est pas le paradis, mais c’est différent d’ici".
De retour à Paris, cet homme croise un compositeur au cœur broyé. Tout oppose Blaise Cendrars et Erik Satie, si ce n’est la singularité de leur art. Une amitié est née. Elle est contée à travers le prisme de Paris, en 1925. Le temps d’une nuit, les compères revisitent la Ville lumière (Montmartre, le palais Garnier, La Closerie des lilas). Celle des artistes, qui y ont trouvé refuge : Chagall, Max Jacob, Modigliani. Peu importe qu’ils soient dadaïstes, cubistes ou surréalistes, ils se veulent révolutionnaires. Cendrars et Satie errent dans ce décor de rêve, en traînant "leur saoulographie" et leur part d’ombre. Tragique, le second avoue : "Je ne suis maître de rien, pas même de ma triste figure."
Delfino parvient pourtant à composer un roman réjouissant autour de ce tandem. Un duo d’amis en quête d’un Cocteau déloyal ou d’une amoureuse mystérieuse. N’incarne-t-elle pas l’Inspiration à laquelle ils aspirent ? Malgré les difficultés artistiques ou les déboires de la vie, chacun cherche un "élan de vérité".
Kerenn Elkaïm