Le 6 septembre, l’académie Goncourt donnera le coup d’envoi de la nouvelle saison des prix d’automne (voir calendrier ci-contre). Que chercheront-ils à récompenser, ces Femina, Médicis ou autres Wepler qui, chaque année, collent un bandeau rouge griffé de leur nom sur une petite vingtaine d’ouvrages ? Dans La littérature à quel(s) prix ?, fruit de plus de dix ans d’enquête, Sylvie Ducas revient sur les fondements de ces diverses institutions. Elle rappelle qu’Edmond de Goncourt, par voie testamentaire, peaufinait « les actes d’une mise en scène auctoriale où l’écrivain, vécu comme “fantasme?, est une statue à construire, un monument à édifier, un buste funéraire laissé à la postérité… », tout en assurant, par le rappel de leur nom chaque année dans la presse, « l’immortalité littéraire » des deux frères Goncourt. L’eau, depuis, a coulé sous les ponts. Victime de la phobie du journalisme de son fondateur qui « craignait de voir “l’industrie des lettres? sonner le glas de “la pure littérature? », l’académie Goncourt avait pour but premier, rappelle Sylvie Ducas en en soulignant le paradoxe, « d’atténuer les effets négatifs de l’économie de marché », alors qu’aujourd’hui, poursuit-elle, « elle assoit son pouvoir symbolique sur sa capacité à investir ce même marché, notamment par des tirages considérables que son prix implique ». C’est bien l’une des déviances de tous ces prix qui, au fil du siècle dernier, ont eu à affronter les corruptions d’éditeurs, les pouvoirs des médias, les jurys d’amateurs, pour néanmoins s’imposer avec leur protocole auquel l’écrivain couronné ne comprend pas forcément grand-chose, tant sont en jeu les affinités, le marché, les expertises et tout simplement les mutations des pratiques culturelles et le déclin de la lecture.
Pour le jury Femina, prénommé Vie heureuse jusqu’en 1919, « la chasse au chef-d’œuvre n’existe pas. On lui préfère l’encouragement littéraire, défendu comme un principe fondateur jusqu’en 1913 », écrit Sylvie Ducas, qui rappelle que la revue Vie heureuse a été créée par Louis Hachette, « soucieux d’investir le marché de la presse féminine, tandis qu’il diffuse et rend populaire le roman de gare ». Le Femina inaugure le mécénat d’éditeur en même temps qu’il ouvre le champ aux médias, tandis que les éditeurs cherchent de nouvelles manières de vendre du livre.