Aujourd’hui installé à Paris, écrivant dans sa langue d’adoption, le Syrien Omar Youssef Souleimane, né à Al-Qutayfat, près de Damas, en 1987, est poète, journaliste, militant contre le régime de Bachar al-Assad. Avant d’en arriver là, de devenir un esprit libre (athée, dit-il à la fin de son livre, et apostat aux yeux de l’islam), il a vécu nombre de mésaventures dont quatre années en Arabie saoudite où, soumis à un bourrage de crâne intensif, relayé par sa très pieuse famille, il aurait pu être enrôlé par les terroristes, devenir un jeune djihadiste, voire un "martyr". Heureusement, la poésie française, sa forte et précoce attirance pour les filles, son courage et sa réflexion l’ont immunisé.
Le récit de son odyssée commence par sa fuite de Syrie, en 2012, recherché par les services secrets, vers la Jordanie. Réfugié, arrêté par erreur, il sera exfiltré par l’ambassade de France vers Paris. Là, il s’accoutume, apprend le français et vit avec une acuité particulière les attentats contre Charlie Hebdo. Il aurait pu faire partie des assassins… Le reste du livre, quatre ans en enfer, est en flash-back.
Ses parents, un couple de dentistes, ont décidé d’aller s’installer à Riyad en 1999 avec leurs deux fils. Un troisième naîtra ensuite. Dans son école coranique, le jeune Omar, 12 ans, est tout de suite soumis à la doxa wahhabite, à une intense propagande anti-israélienne, à une apologie du djihad. L’Arabie saoudite au quotidien, c’est aussi xénophobie, harcèlement, viols, enlèvements… Omar se préserve à sa façon : il découvre les poètes français, connaît ses premiers émois sexuels pour Mouna, l’assistante de sa mère. Au passage, on apprend que, bizarrement, il n’est pas circoncis. Son père a "oublié" ! Ça aurait pu lui valoir quelques ennuis avec les imams. Lesquels ont d’autres choses en tête : après le 11-Septembre, Ben Laden, qui est saoudien, devient un héros, et l’endoctrinement repart de plus belle. Le garçon commence à se rêver en "petit terroriste", tueur d’Américains en Afghanistan.
Paradoxalement, c’est un pèlerinage à La Mecque, avec père et frères, qui va tout faire basculer. Omar, face à cette marée de bigoterie, ne ressent rien, et commence même à douter de sa foi. "Tout ce qui m’entourait me révulsait", écrit-il. De retour à Riyad, il continuera de songer à Mouna en surfant sur tous les "sites interdits" d’Internet. Haram, mais sauvé. Jean-Claude Perrier