Adolescente en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution, Gwenaële Robert était allée visiter le musée Grévin. Elle avait été impressionnée par la baignoire de Marat, qui y est conservée, "un soulier géant noir" bien différent de la représentation qu’en a faite le peintre David, ami du célèbre député, dans son tableau hagiographique. Aujourd’hui romancière, elle revient sur cette histoire, avec pour ambition de décaper le portrait afin de révéler ce qu’elle considère comme la vérité de Marat. Descendante de paysans vendéens du côté de son père, on comprend vite sa position idéologique: Marat était un monstre, une bête assoiffée de sang qui passait son temps à réclamer des têtes, et Charlotte Corday, son assassin, une martyre.
Il fallait donc que la bête meure, et, apparemment, nombre de gens en étaient persuadés, pour des raisons diverses, politiques ou plus personnelles, au point de passer à l’acte, au même moment, en cette mi-juillet 1793 caniculaire. Marat, qui souffrait d’un eczéma mortel, ne sortait plus de chez lui, passant son temps dans des bains soufrés, veillé par son amante idolâtre, Simone Evrard. Jane, une jeune Anglaise, vient le "soigner". En fait, elle compte hâter son trépas, afin de venger son père, qu’elle accuse Marat, un temps médecin dans le Dorset, d’avoir fait mourir. De son côté, Marthe Brisseau, femme d’un gardien du Temple, veut punir Marat d’avoir fait un bâtard à sa fille Julie. Mais elles seront prises de court quand, le 13 juillet, Anne-Charlotte de Corday d’Armont, une parente de Corneille, arrivée de Caen deux jours auparavant, passe à l’acte, avec succès. Elle sera guillotinée le 17, après que le peintre Hauer aura fait son portrait, émouvant, à la Conciergerie.
La baignoire, elle, est entrée à Grévin en 1886, pour 5 000 francs. J.-C. P.