L’affaire secoue depuis plusieurs jours la scène littéraire québécoise, au point qu’une pétition réclamant le retrait des charges pesant sur l’écrivain et son éditeur a atteint les 10000 signatures. Les auteurs du texte veulent "dénoncer le fait que notre système de justice ait mis de côté le discernement dont il a jusqu'ici fait preuve dans l'application de la disposition du code criminel touchant les écrits faisant état d'activités à caractère sexuel impliquant une personne mineure".
"Un cas de censure évident"
Le Code criminel canadien qualifie de pornographie juvénile "tout écrit, toute représentation ou tout enregistrement sonore qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans" et "tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans". Produire, distribuer ou posséder de tels écrits constituent des actes criminels.
Mais l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (Uneq), qui juge les arrestations "disproportionnées", rappelle qu’il existe une exception pour les représentations artistiques. "Aussi, criminaliser [ce roman] pourrait s’apparenter à une privation de la liberté d’expression," argue l’association de défense des auteurs.
Le président de l’Association nationale des éditeurs de livres (Anel) s’insurge lui contre "un cas de censure évident, […] puisqu’ici on criminalise la fiction". Et d’ajouter : "les auteurs et éditeurs de romans policiers, qui mettent en scène des personnages commettant des crimes plus horribles les uns que les autres, peuvent-ils continuer à publier ? […] L’intervention de la Direction des poursuites criminelles et pénales et des forces policières pour juger d’une œuvre nous semble un glissement très dangereux pour la profession."
"Le nom d'un auteur a été associé à de la pornographie juvénile"
Interrogé par la Voix de l’Est, Patrice Cazeault, auteur publié aux éditions AdA, se dit "sous le choc". L’ami d’Yvan Godbout et Nycolas Doucet précise : "Je n’ai pas peur pour une éventuelle censure à venir. Le choc, c’est davantage dû au fait qu’il y a eu arrestation pour ça. Le nom d’un auteur a été associé en gros titre dans plusieurs médias à côté de pornographie juvénile, alors que l’histoire est beaucoup plus complexe. J’ai peur pour sa réputation, pour sa carrière, pour les dommages collatéraux."
Le romancier tient par ailleurs à replacer les choses dans leur contexte : "il faut se questionner sur l’intention de l’auteur là-dedans. Il ne fait pas l’apologie de la pédophilie, au contraire, son unique but est de dégoûter le lecteur, de le choquer pour qu’il ait envie de faire payer le prix fort au violeur."
Yvan Godbout et Nycolas Doucet comparaîtront le 15 avril prochain.