« J'étais un jour un être humain. Je m'appelais Sabina Spielrein. » Un nom qui n'évoque rien, un de ceux qui ont été broyés par l'Histoire. Violaine Gelly se devait de réparer cette injustice. L'ancienne rédactrice en chef de Psychologie magazine possède la double casquette de psychothérapeute et de journaliste. Cela se ressent dans sa façon de reconstituer cette destinée fascinante.
On dit souvent que derrière chaque grand homme, il y a une femme. Dans le cas d'Einstein, on a appris tardivement que sa première épouse, Mileva, avait contribué à ses théories révolutionnaires. Mais elle a été cantonnée à la case maternité avant l'oubli. Le livre de Violaine Gelly est « dédié à la mémoire
de toutes les femmes de talent et de passion, écrasées par la folie et la gloire des hommes ». Injustement oubliée, Sabina Spielrein est « née juive, russe et femme », autant de handicaps alourdis par le cours de l'Histoire. On l'a traitée « comme si elle n'avait été qu'une passante dans l'histoire de la psychanalyse ». Il n'en est rien.
Au départ, elle la découvre de l'intérieur, en tant que patiente psychotique de Jung. Ce jeune homme prometteur est en train de contribuer à une révolution thérapeutique. Admiratif de Freud, il est persuadé que ce nouveau cas peut être guéri par l'expression de l'inconscient. Sabina dépasse ses espérances. Elle devient son égale, étudie la médecine et la psychanalyse. Son profil inhabituel séduit Jung sur tous les plans. Leur relation, passionnelle et intellectuelle, fait perdre des plumes à la brillante psychanalyste avant-gardiste, qui intrigue Sigmund Freud. Bientôt, les deux géants de cette discipline vont s'inspirer de ses pensées inédites, pour enfants et adultes. Une pensée enrichie par la naissance de deux filles. Cependant, Sabina est tiraillée par sa vie privée compliquée et son envie d'émerger parmi ses pairs.
« Je me considère née pour mon travail, c'est une vocation, sans laquelle ma vie n'aurait aucun sens », dit-elle. Le journal ou les correspondances de Sabina témoignent de sa ferveur, de ses peurs et de son parcours, jonché de douleurs. Cette fois, le danger prend le visage des démons historiques, russes ou nazis. Violaine Gelly regrette que la courageuse Spielrein « n'ait jamais connu la reconnaissance que son intelligence et sa passion auraient dû lui offrir ». C'est désormais chose faite.
La vie dérobée de Sabina Spielrein
Fayard
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 20 euros ; 288 p.
ISBN: 9782213686967