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Rentrée littéraire 2024 : l'appel de l'océan

La primo-romancière Virginia Tangvald ausculte son navigateur de père dans Les Enfants du large. - Photo Éditions de Borée

Rentrée littéraire 2024 : l'appel de l'océan

Sur les 459 romans parus ou à paraître pendant la rentrée, certains titres chantent les louanges du Grand bleu, quand ils ne l'auscultent pas méticuleusement. Coup de projecteur. 

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Par Léon Cattan
Créé le 13.09.2024 à 13h54

« Ici, tout a le goût de la mer. Âpre, vif, percutant. À son arrivée, sans même la voir, il l'a maudite pour cela. Parce qu'ici, d'abord, on ne voit pas la mer. On la sent, on l'entend, on en goûte sur ses lèvres les embruns portés par les vents. La mer est partout, mais la mer, d'abord, vous nargue. » Envoyé dans une colonie pénitentiaire pour mineurs à Belle-Île-en-Mer, en 1934, le jeune Erik entretient un rapport ambivalent avec les flots. Les mêmes que rejoignent tous les jours les sardinières locales pour une baignade de fin de journée, accompagnées de leur contremaîtresse blasée, Ida. Cette dernière se débat dans un quotidien morne, partagée entre le travail et sa vie conjugale monotone, voire violente. Jusqu'à ce soir d'août, où sa route croise celle d'Erik. Le genre de rencontre qui chamboule.

Prendre le large, dans la vie comme dans ses rêves

Tel est le début d'En île, le premier roman de Karine Parquet paru aux éditions de Borée. L'ancienne responsable éditoriale des éditions Petit à Petit, qui a grandi selon les mots de son éditeur « au rythme des mots et des marées » est arrivée dans la rentrée littéraire avec une fiction portée par une écriture hachée, comme des pensées succinctes qui traversent les esprits torturés de ses deux protagonistes. Avec, en toile de fond, l'omniprésence de Belle-Île-en-Mer, de l'eau, retorse, impressionnante et majestueuse. Sur les 459 romans qui composent la rentrée littéraire d'automne, certains titres exaltent la mer et l'océan. En île fait partie de ceux-là.

Tout comme Les Enfants du large de Virginie Tangvald (JC Lattès). Certains sujets relèvent du providentiel pour leurs auteurs et la fille du navigateur norvégien Peter Tangvald ne dira pas le contraire. Née au large de Porto Rico, sur le bateau de son père, elle eut à peine le temps de connaître ce dernier, qui disparut dans un naufrage en 1991, avec sa sœur. Dans cette enquête familiale, la primo-romancière se penche sur ses racines, tente de jeter une lumière sur ce mystérieux et ambivalent géniteur, qui perdit deux épouses en mer en plus de sa fille. 

De Jules Michelet à Claude Monet 

Côté essais, l'historien italien Alessandro Vanoli se frotte à l'Histoire de la mer (Éditions Passés/Composés) et de l'onirisme dont elle est cerclée en hommage à Jules Michelet, auteur de l'ouvrage sobrement intitulé La Mer (1861). « Pour nous aider à circuler dans ces nombreux savoirs, Alessandro Vanoli a adopté le principe d'une histoire chronologique non linéaire. Son récit alerte progresse par petits paragraphes en laissant la place à l'inattendu, comme pour donner un peu de gîte à l'ensemble et ballotter ses lecteurs. Le dispositif lui permet des parenthèses sur la coquille Saint-Jacques, la morue, la tortue ou les perles. Dans les différents chapitres, il aborde les cartes, les bateaux, le droit maritime, le scorbut, l'océanographie, les migrations, les canaux de Suez et de Panama, le Hollandais volant ou le Titanic », explique Laurent Lemire dans nos colonnes

Et puis, à l'océan, certains préfèrent les modèles réduits. C'est le cas de Grégoire Bouillier qui a braqué son regard d'écrivain sur un étang, mais pas n'importe lequel : l'un des plus célèbres de la peinture, celui des Nymphéas de Claude Monet. Il y a quelque chose de pourri à Giverny. « "Je crois qu'un cadavre est caché là." Face aux grands panneaux du musée de l'Orangerie, Grégoire Bouillier est soudain pris de vertige, saisi par l'évidence : les Nymphéas ne sont pas des tableaux de vie, mais de mort. De morts au pluriel corrige notre écrivain détective, dont l'enquête fiévreuse débute par ce diagnostic : le voici atteint du syndrome de l'Orangerie, "un indicible et persistant sentiment de tristesse", une angoisse permettant au contemplateur des Nymphéas d'effleurer le sublime », analyse notre critique littéraire Laëtitia Favro à propos du Syndrome de l'Orangerie, paru aux éditions Flammarion. 

En périphérie de la rentrée, Le Livre de poche a également réédité Le roi qui voulait voir la mer de Gérard de Cortanze. Le récit d'un périple en bateau entrepris par Louis XVI vers Cherbourg, à la rencontre de paysans, d'ouvriers, de cartomanciennes et de sorcières, mais aussi le portrait de la Normandie d'antan. 

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