"Pour pouvoir créer, encore faut-il au préalable dîner". Ces mots de Beaumarchais, qui ouvrent La Gratuité c'est le vol, 2015 : La fin du droit d'auteur ?, plaquette signée par l'avocat Richard Malka, sont brandis comme un étendard par les défenseurs du droit d'auteur. Leur combat, initié par le Syndicat national de l'édition (SNE) face au projet de réforme européenne du droit d'auteur, notamment défendu par Julia Reda (Parti pirate), a donné lieu vendredi 27 novembre à un débat au Centre national du livre à Paris (CNL). Etaient présents : Richard Malka, Vincent Bonnet, de l'European Bureau of Library, Information and Documentation Associations (Eblida) et Hervé Rony, directeur général de la Société civile des auteurs multimédias (Scam). Le débat était animé par Fabrice Piault, rédacteur en chef de Livres Hebdo.
"Sous l'influence conjuguée et paradoxale de multinationales transatlantiques et de groupements libertariens ou “pirates”, le droit d'auteur serait devenu dépassé, réactionnaire, limitatif de l'accès au savoir et à la connaissance, anti-démocratique", écrit Richard Malka dans son livret, diffusé gratuitement à 50 000 exemplaires depuis septembre 2015. Au CNL, l'avocat, défenseur entre autres du journal satirique Charlie Hebdo depuis 1992, a réaffirmé son engagement : "C'est un sujet qui concerne toute l'opinion publique européenne, qui ne doit pas être laissé aux mains de technocrates".
Le fascicule réalisé par Richard Malka, disponible gratuitement en ligne, veut selon lui avant tout susciter un débat et vulgariser la question pour la rendre plus accessible aux yeux de tous. "Le droit d'auteur est un outil de démocratie, de liberté d'expression, et de diversité culturelle, estime l'avocat. C'est un droit de l'homme et un enjeu de civilisation. Nous avons un système qui fonctionne depuis 4 siècles, et la réforme européenne veut faire de la rémunération des auteurs une quasi-exception".
Une situation économique préoccupante
"La question du droit d'auteur est liée aujourd'hui à trop de notions qui la dépassent ", lui a répondu Vincent Bonnet, qui perçoit un glissement de la notion de droit d'auteur du strict cadre culturel vers une problématique économique, et qui a défendu un meilleur accès des bibliothèques aux fonds numérisés.
"Du côté des auteurs, nous sommes toujours dans une période de méfiance et de perplexité vis à vis des réformes initiées. Il y a une urgence à modifier notre manière commune d'appréhender le droit d'auteur, certes, mais si nous n'y prenons pas garde, on nous emmènera progressivement vers une perte de la notion d'auteur via les systèmes de copyright et de licences globales", a pondéré Hervé Rony. Le directeur général de la Scam est ensuite revenu sur les problèmes de partage de la valeur dans la filière du livre. "Il y a toujours plus d'auteurs, mais des rémunérations toujours plus basses. C'est là le point essentiel du débat".