À un demi-siècle d'écart, et avec un certain nombre de différences (la religion, par exemple, ou des points de vue divergents sur la langue, la colonisation), Souleymane Bachir Diagne a marché dans les pas de son compatriote Léopold Sédar Senghor. Il l'a d'ailleurs rencontré, à la fin des années 1960, alors que le premier président du Sénégal indépendant, qui n'échappait pas à la contestation née en Mai 68, félicitait son jeune compatriote (né à Saint-Louis en 1955) de l'excellence de ses résultats scolaires. Ensuite, bien plus tard, Senghor sorti de charge et retiré en France et Diagne devenu conseiller à la culture et à l'éducation de son successeur, le président socialiste Abdou Diouf, les deux hommes sont devenus amis, devisant de saint Augustin et de son africanité, ou de Bergson et du philosophe indien Mohamed Iqbal, deux auteurs et sujets de prédilection de Diagne.
Après ses études secondaires à Dakar, Souleymane Bachir Diagne, musulman descendant d'une famille princière Sambala et d'imams soufis, est parti faire ses classes préparatoires, hypokhâgne et khâgne, à Louis-le-Grand à Paris, comme Senghor. Il a intégré l'ENS d'Ulm, a été élève d'Althusser, Derrida et « Touki » Desanti, a été reçu à l'agrégation de philosophie. Puis, après un intermède de deux ans à Harvard, il est rentré à Dakar en 1982, pour faire profiter ses étudiants de son savoir, son pays de ses idées. Il sera le premier à s'intéresser à la philosophie islamique et à l'enseigner à l'Université Cheikh-Anta-Diop, montrant comment le soufisme est l'une des composantes essentielles de l'Islam. Ensuite, il repartira pour les États-Unis, d'abord à l'université Northwestern à Evanston, près de Chicago, où il participera à un Program of African Studies. Puis enfin, en 2008, il sera élu professeur de français à Columbia, New York, représentant des postcolonial studies, au risque de passer, selon certains, pour un « afrocentriste orientalisé ».
Il vit toujours là-bas avec sa famille et a mis à profit le confinement pour écrire, sur son parcours d'exception, ce petit livre modeste et linéaire qui s'achève sur un mot bantou, « ubuntu », lequel signifie « faire humanité ensemble ». Existe-t-il plus belle devise ?
Le fagot de ma mémoire
Philippe Rey
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 16 € ; 160 p.
ISBN: 9782848767703