Plus de 2 000 billets se sont vendus en une semaine à la Fnac et se négociaient il y a quelques jours sur eBay à 200 euros : Stephen King, qui vient pour la première fois en France à l’occasion de la sortie de Docteur Sleep chez Albin Michel, est la vedette d’une grande soirée au Rex le 16 novembre pour laquelle les places s’arrachent.
« Cela fait trente et un an - depuis qu’Albin Michel le publie - qu’on l’attendait. Ses fans le réclamaient. Il n’était jamais venu en Europe, si ce n’est une fois en Grande-Bretagne », précise Anne Michel, éditrice de la littérature étrangère chez Albin Michel. L’homme aux 350 millions de volumes vendus dans le monde ne se déplace jamais et passe son temps à écrire dans ses maisons du Maine et de Floride - il est l’auteur de plus de cinquante romans et de deux cents nouvelles. Mais s’il a consenti à venir, il se limite à Paris, où il est du 12 au 16 novembre, à Munich et à Hambourg (Allemagne), où il se rendra ensuite.
Du coup, Albin Michel a organisé dès le 12 novembre une conférence de presse internationale où ont été accrédités plus de 170 journalistes, venus de toute l’Europe (voir page suivante). L’éditeur a aussi prévu un dîner avec ses confrères néerlandais, italien, espagnol, allemand, finlandais et suédois afin qu’ils rencontrent leur auteur-vedette.
« Pas plus d’un média par jour »… Telle a été la contrainte du plan médiatique concocté par Florence Godfernaux et l’équipe d’Albin Michel. Télérama, qui a envoyé les journalistes Nathalie Crom et Cécile Mury aux Etats-Unis chez Stephen King, a publié un entretien en avant-première le 30 octobre, le jour de la sortie du livre en librairie. Le reste du programme était très cadré : il était l’invité du journal de 20 h sur TF1 le 13 novembre, d’une spéciale « Grande librairie » de François Busnel en direct le 14 novembre ; et de la matinale de Patrick Cohen sur France Inter le 15 novembre.
Records
Stephen King est l’auteur de tous les records. En 1986, Ça, tiré à un million d’exemplaires, est le plus gros tirage de départ de l’édition américaine. En 2000, la nouvelle Un tour sur le bolid’, écrite durant sa convalescence après un terrible accident de voiture, compte 400 000 téléchargements en un jour. En France, Albin Michel a publié 33 titres (en attendant le prochain, Mr Mercedes, en 2014), dont les sept écrits sous le pseudonyme de Richard Bachman, et annonce dix millions de volumes vendus. De romancier populaire aux lecteurs fidèles depuis leur adolescence, il est devenu un écrivain reconnu, salué par une critique unanime avec 22/11/63, traduit chez Albin Michel en février dernier, dans lequel il revisite l’assassinat de John F. Kennedy.
« Il vient avant tout voir ses lecteurs », précise Anne Michel. Le dispositif pour sa visite est digne d’une rock star. L’auteur de Misery se déplace avec une douzaine de gardes du corps : ils seront au nombre de seize samedi au Grand Rex.
La soirée du Rex, l’une des plus vastes et des plus prestigieuses salles parisiennes, se déroulera sur le modèle anglo-saxon, inédit en France. Ce sera un grand show à l’américaine, millimétré comme il se doit, avec une interview de Stephen King par Augustin Trapenard, journaliste à France Culture, Elle et Canal+, pendant une heure. Il répondra ensuite aux questions de ses lecteurs pendant une demi-heure avant de dialoguer avec Maxime Chattam, autre auteur Albin Michel de best-sellers (son dernier livre, Neverland, a fait son entrée sur notre liste de meilleures ventes en même temps que Docteur Sleep), grand admirateur de l’auteur de Carrie. Les lecteurs ont acheté leurs places 30 euros, ce prix incluant un exemplaire du livre. S’ils sont chanceux, ils recevront un exemplaire dédicacé car plusieurs dizaines d’ouvrages seront distribués de façon aléatoire.
Les groupies qui n’auront pas eu de place pourront l’interroger sur le Mouv’, en partenariat avec J’ai lu. Mais auparavant, il aura répondu en direct le 15 novembre aux questions de dix fans triés sur le volet, à propos de La tour sombre, qu’il qualifie de « Jupiter du système solaire de [son] imaginaire » et… sur le rock, car il joue de la guitare dans le groupe Rock Bottom Remainders, avec Matt Groening, le créateur des Simpsons, et la romancière Barbara Kingsolver, et a écrit des comédies musicales. Et dès le 13 novembre, une séance de dédicaces a été organisée au MK2 Bibliothèque.
Outre Docteur Sleep, tiré par Albin Michel le 30 octobre à 150 000 exemplaires, on retrouvera d’autres titres de Stephen King dans les librairies. Le Livre de poche réédite en coffret les deux volumes de Dôme, dont M6 diffuse actuellement l’adaptation en série télévisée, et Shining et Carrie sous de nouvelles couvertures. J’ai lu a publié le 6 novembre La clé des vents, un volume inédit écrit en 2011, qui porte le numéro quatre et demi de La tour sombre, sa saga fantastique qui en compte sept, car il se place entre les tomes 4 et 5. De son côté, Lattès annonce pour le 8 janvier Plein gaz, un volume écrit à quatre mains avec un certain Joe Hill, qui n’est autre que… le fils de l’écrivain.
C. C.
Docteur Sleep ou le sommeil agité
Avec Docteur Sleep, le maître incontesté du suspense noir a imaginé la suite de Shining, avec l’enfant devenu adulte comme héros.
En 1976, quand Gallimard publiait Carrie, les Français découvraient l’œuvre fantastique à tous les sens du terme de Stephen King. Six ans plus tard, l’Américain débarquait chez Albin Michel avec Cujo et n’en a pas bougé depuis. L’auteur de Ça (disponible en J’ai lu) tient toujours une forme éblouissante comme en témoignait déjà l’imposant 22/11/63 paru en début d’année.
Avec Docteur Sleep, King donne une digne suite à l’un de ses livres les plus fameux, Shining (disponible chez Lattès), adapté à l’écran par Stanley Kubrick. On se souvient que l’Overlook, un grand hôtel de villégiature du Colorado, a brulé de fond en comble pendant le mandat du « Président Planteur de Cacahuètes ». Fils du gardien des lieux mort pendant l’accident, Daniel Anthony Torrance avait alors cinq ans.
Gamin, Danny était assailli par des visions et visité par des morts vivants. Le chef cuisinier de l’Overlook lui a permis de comprendre qu’il avait un « don » particulier. Il lui a offert un coffre-fort et conseillé d’en créer un autre, mental celui-ci, où ranger ses pires souvenirs. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir un adulte qui se soule, se sert de l’alcool comme d’« une brosse à effacer », ne tient pas en place, même s’il sait que : « Un jour, tu finis par t’aviser que rien ne sert de cavaler. Où que tu ailles, tu t’emmènes toujours avec toi. »
A Frazier, dans le New Hampshire, Danny commence à se poser. Il trouve un emploi au service public municipal, rejoint les Alcooliques anonymes. Puis commence à travailler à la maison de retraite où, surnommé « Docteur Sleep », il aide les mourants à quitter ce monde… Rien n’est jamais simple dans un roman de Stephen King. Encore moins ici où le conteur de génie lâche dans ses pages la « Tribu du Nœud Vrai ». Une communauté de « démons vides » aux odieuses pratiques qui cherchent à mettre la main sur Abra, une gamine qui, dès l’âge de 5 mois, a eu des prémonitions et a averti les siens par télépathie…
Plus que jamais, dans ce livre qui montre qu’on n’est jamais aussi malade que de ses secrets, King s’affirme en maître absolu du suspense et de la psychologie. Un prosateur capable de plonger inexorablement ses héros et ses lecteurs au cœur du bien et du mal.
Alexandre Fillon
Stephen King, Docteur Sleep, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nadine Gassie, Albin Michel, 25 euros, 587 pages. Tirage : 150 000 ex. ISBN : 978-2-226-25200-5. Paru le 30 octobre.