Thierry Magnier - J’avais une réelle envie de m’engager et de défendre cette littérature que je trouve toujours mise à l’écart par manque de connaissance. Nos confrères ont souvent l’impression que nous nageons dans le jeu et dans la joie, que nous faisons des livres avec des clowns ou du maquillage. Au même titre que tous les autres éditeurs, nous avons des positions, des politiques éditoriales, des auteurs. J’ai été élu président du groupe jeunesse du Syndicat national de l’édition sur un programme - des assises, un prix littéraire, des actions d’envergure -, mais je m’inscris dans la continuité d’Hélène Wadowski, qui présidait le groupe avant moi et qui reste très active au sein du bureau.
Comme les droits d’auteurs ? Bien sûr. J’ai un principe : il faut parler pour apprendre à se connaître et pour se comprendre, ce qui permet ensuite de travailler dans un climat plus serein. Le milieu, les publics du livre pour la jeunesse sont méconnus. Les gens critiquent le diffuseur ou le distributeur sans réellement connaître leur rôle. Ces premières assises du livre de jeunesse, gratuites et ouvertes à tous, auront lieu le 2 octobre en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, dans le grand auditorium. Elles seront pédagogiques et ont pour but de mieux faire connaître notre métier en présentant toute la chaîne du livre. Des tables rondes se dérouleront tout au long de la journée, avec des auteurs, des illustrateurs et des performances en direct. Nous finalisons actuellement le programme et nous souhaitons qu’elles deviennent pérennes.
Les assises sont nationales et nous poursuivons parallèlement les rencontres régionales, en partenariat avec les instances locales, comme le faisaient Hélène Wadowski et les membres du bureau. Elles réunissent éditeurs, bibliothécaires, libraires, enseignants, étudiants sur un thème, le plus large possible afin que toutes les maisons s’y retrouvent, sur une journée qui peut entrer dans le cadre d’une formation. La prochaine aura lieu à Toulouse début 2018, autour de "l’enfant dans la cité". Les tables rondes s’accompagnent d’une librairie tenue par un libraire local, qui présente les livres sur le sujet.
Nous avons composé un maillage, qui va des plus jeunes avec "Premières pages" aux adolescents avec le prix Vendredi. Nous sommes partenaires du ministère de la Culture pour l’opération "Premières pages", qui consiste à offrir un livre à la naissance ou aux enfants des crèches. Le but est de faire le lien entre les éditeurs et le territoire - ville, département, région - et d’expliquer que concevoir un livre est un travail, qu’il faut du temps pour le réaliser, afin de donner des clés à ceux qui les choisissent, mais sans intervenir dans la procédure d’appel d’offres ou dans leur décision. Nous avons à cœur de leur montrer qu’il existe de nouveaux éditeurs, de nouveaux auteurs, de nouveaux contenus avec le souci d’éviter les "livres niaiseux". Après un séminaire régional à Chambéry, nous avons participé à un séminaire national, sur le même modèle, dont l’illustratrice Jeanne Ashbé était la marraine.
Il y a plein de jurys d’enfants. Les éditeurs adhérents au Syndicat souhaitaient un vrai grand prix littéraire national qui ne soit pas organisé par un salon, par un département ou par un lycée. Le Goncourt des Lycéens récompense un livre de la rentrée adulte. Nous militons pour la littérature adolescente et le prix distinguera un titre pour les plus de 13 ans. Nous voulons qu’il soit aussi reconnu qu’un prix de littérature générale, alors nous avons fait appel à un jury de spécialistes. On ne singe pas les grands prix, on en reprend les codes. Nous voulons aussi montrer à l’international que les auteurs français peuvent créer pour les adolescents. D’ailleurs, le lauréat sera invité à Francfort.
De 15 000 enfants la première année, nous sommes passés à 32 000 inscrits pour cette cinquième édition. Notre objectif est de toucher le plus possible d’élèves de CM2 et de leur faire découvrir nos auteurs. Cette année, nous aurons quatorze finalistes au lieu de dix, car nous avons redécoupé en fonction des nouvelles régions. La finale aura lieu le 28 juin à la Comédie-Française, parrainée par Dominique Blanc et Timothée de Fombelle. L’important est de développer la littérature partout où on peut : à ce titre, la lecture à voix haute est primordiale.
L’invitation de la France à Francfort est pilotée par l’Institut français. Le SNE n’intervient pas même s’il suit de près le dossier. Dans le domaine des cessions, un titre sur quatre vendus aux maisons étrangères est un livre pour enfants. C’est une vraie reconnaissance de la littérature pour la jeunesse et nous nous sommes battus pour que nos auteurs soient invités. Sylvie Vassallo et son équipe qui sont chargées de ce projet, avec l’expérience du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, sont tout à fait légitimes. Le programme est copieux : expositions, tampons-abécédaire, site multimédia, rencontres professionnelles…
"Partir en livres" est avant tout une opération du ministère de la Culture dont nous sommes partenaires. Même si la période des vacances est compliquée pour les maisons d’édition, nous encourageons nos auteurs à y participer. Notre rôle est collectif. Chacun fait une sélection dans son catalogue pour établir "la bibliographie estivale du SNE", limitée à une quarantaine de titres pour deux tranches d’âge, parce que nous sommes attentifs à ce qu’elle reste utilisable.
Je souhaiterais que France Télévisions et Radio France parlent davantage de livres pour enfants, que nous soyons vraiment présents et pas seulement le mercredi, au moment du Salon du livre de jeunesse de Montreuil ou à Noël. La littérature pour la jeunesse doit aussi être reconnue par l’Education nationale et entrer dans la formation des maîtres. On peut se glorifier de notre production française : elle a de la gueule. Ce manque de reconnaissance, ces intellos qui regardent un livre jeunesse avec un sourire en coin et qui ont oublié qu’ils ont été enfant ou ado me peinent. Lorsqu’on explique une image, un texte, ils se rendent compte alors que cela relève d’une création complexe. Si on veut que les grands auteurs soient lus par les adultes, il faut former les enfants.