Publier son journal, c’est prendre un risque. Celui de n’intéresser que soi. Mais quand l’auteur est un historien réputé, que sa plume est agile et que la période couvre les années Mitterrand avec en toile de fond la chute de l’URSS, l’attention s’éveille. Ces quatorze années qui défilent au pas de charge auront un petit goût de madeleine pour certains et provoqueront la surprise chez les autres.
A lire Michel Winock, on pourrait croire que le monde des historiens se résume à l’enseignement dans les établissements prestigieux, les repas dans les bons restos et la médisance envers les collègues. Ce serait oublier les séminaires à l’étranger et les croisières.
En fait, cet excellent observateur, qui égratigne quelquefois, saisit sur le vif son temps. Il balaie d’un regard aiguisé la vie intellectuelle française durant deux septennats. Les noms et les idées circulent, les débats s’installent, les esprits s’échauffent. On y voit les petits arrangements et les rancœurs dans l’édition, notamment au Seuil où Michel Winock fut un personnage influent, les combats pour l’histoire avec des historiens quelquefois plus soucieux de leur propre avenir que de la compréhension du passé, la crise d’une presse alors encore florissante mais qui ne sait pas quoi offrir de neuf à ses lecteurs, ou Edith Cresson désignant les homosexuels en Angleterre et les fourmis au Japon.
Et pour finir, alors que l’énigmatique Mitterrand entend la postérité venir à lui, la France se trouve bloquée par une grève des transports. Toute une époque. L. L.