Tunisie, Jordanie, Maroc

Trois initiatives pour faire aimer la lecture

Rana Dajani, fondatrice du programme We love reading - Photo We love reading

Trois initiatives pour faire aimer la lecture

De la Tunisie au Maroc en passant par la Jordanie, Livres Hebdo a relevé quelques initiatives marquantes pour transmettre l'envie de lire aux plus jeunes, alors qu'une étude de l'Union Internationale des Editeurs dresse un secteur en crise dans la région.

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Par Dahlia Girgis
Créé le 23.10.2020 à 21h29

"Selon l'Arab Reading Index (ARI), certaines études décrivent la crise de la lecture dans la région arabe comme "grave" et nécessitant une réponse immédiate de toutes les parties prenantes", conclut un rapport publié en octobre 2020 par l’Union Internationale des Editeurs (UIE). En Tunisie, en Jordanie et au Maroc, plusieurs initiatives ont été lancées pour compenser ces manques.

"Les élèves ont une envie de lire, mais rien n’est fait pour les amener à le faire, finalement, leur envie s’envole", déplore Youssef Barrah, ancien instituteur tunisien à la retraite depuis un an. L’ancien directeur d’établissement a passé 35 ans à enseigner, notamment le français, à des enfants de 6 à 12 ans. Depuis qu’il est à la retraite, il est devenu l’ambassadeur régional de l’association française Biblionef, dont la mission est d’encourager la lecture.

Le premier contact de Youssef Barrah avec Biblionef date de 2017. Cette année-là, l’association fait un don d’une centaine de livres à une école primaire de Tozeur. Situé au Sud-Ouest de la Tunisie, en plein Sahara, ce gouvernorat est l’un des plus marginalisé du pays. L’association compte y ouvrir début novembre une médiathèque - au sein du collège pilote - dotée de 300 livres offerts à l'école primaire dess filles. "Ce sont des livres neufs en littérature jeunesse et petite enfance", s'enthousiasme Youssef.
 
Le projet de médiathèque à Tozeur (Tunisie)- Photo YOUSSEF BARRAH
Le projet à long terme est de constituer un fond de 10000 livres. Cette ouverture s’inscrit dans le projet "Bibliothèque pour tous" porté à l’international par Dominique Pace, fondatrice de Biblionef. Plusieurs bibliothèques sont installées dans des écoles pour rendre le livre plus accessible. Financée par des acteurs privés, l’association possède un fond de 250 à 280000 livres par an.

Montrer l’exemple aux enfants

La médiathèque est installée dans le collège pilote de Tozeur, l'école primaire ne disposant pas d'assez d'espace. "Il n'y a pas de local dédié pour les livres dans les établissements scolaires tunisiens, ils sont souvent entreposés dans le bureau du directeur, non visible par les élèves, ni même pour les professeurs qui oublient parfois qu’ils y en a", constate Youssef Barrah.
 
Des enfants reçoivent les livres de Biblionef- Photo BIBLIONEF
Ce problème s'ajoute au fait que peu de familles entretiennent un lien avec les livres. En 2015, environ 80 % de Tunisiens ne lisaient plus après avoir quitté l’école selon l’institut de sondage EMRHOD. "Quand j’étais enseignant j’encourageais les parents à lire eux même des livres pour montrer l’exemple, mais il est vrai que s’acheter un livre coûte cher (environ 20 dinards)", raconte Youssef. 

Changer la vision de la lecture

Pour donner goût à la lecture auprès du jeune public, Rana Dajani a lancé le projet “We love reading” en Jordanie. Chercheuse en biologie moléculaire, Rana Dajani a observé dès 2006 que les enfants ne lisent pas pour le plaisir. "La lecture est tellement importante pour le développement de l’enfant, par exemple pour son imagination, je me suis demandée comment faire pour leur faire aimer cette activité", raconte à Livres Hebdo la scientifique.
 
Session de lecture dans le cadre du programme We love reading- Photo WE LOVE READING
"Ce n’était pas assez de lire qu’à mes enfants, j’avais envie et surtout le devoir de partager ce projet à d’autres", explique-t-elle. Depuis, des petits de 2 à 12 ans sont réunis autour de bénévole qui leur font la lecture. La démarche sert de base à des thèses menées sur par des universités partenaires, telles qu’à Harvard, où elle a étudié.

L’effet papillon

La trentaine de livre de la bibliothèque "We Love Reading" traite de thème variés : environnement, genre, handicap… "Le livre que je lis souvent aux enfants est Questions in a Traveling Bag de Maya Abou Al Hayat, un livre qui traite de la question des réfugiés", témoigne la lauréate pour le Moyen-Orient du Nansen 2020, un prix décerné par le Haut Commissariat pour les Réfugiés. 
 
Le programme est très utilisé dans les camps de réfugiés (la Jordanie est l'un des trois pays qui a accueilli le plus de réfugiés syriens) car il "permet de réduire le stress et créer un sentiment de résilience", développe Rana Dajani. "Le symbole de l’association est le papillon car il représente le changement mais également la métaphore de l’effet papillon", complète-t-elle.
Rana Dajani, fondatrice du programme We love reading- Photo WE LOVE READING
Présent dans 58 pays, dont la France, "We love reading" a formé près de 7500 personnes à lire à voix haute et de manière ludique pour les enfants. "On fait d’eux des acteurs de changement", affirme la fondatrice. Majoritairement des femmes, âgées de 16 à 98 ans, les bénévoles créent de manière autonome des communautés de lecteurs locales. A terme, la scientifique souhaiterait créer une communauté internationale des bénévoles qui participent au programme.

Des éditeurs investis pour relancer le secteur 

Au Maroc, la situation sanitaire liée à la crise du Covid-19 reflète l’impact sur le secteur du livre dans le monde arabe (plusieurs foires internationale du livre comme celle du Caire ont dû être supprimées). L’Union Professionnelle des Editeurs du Maroc a donc décidé de lancer l'opération "La lecture, acte de résistance". Un catalogue de livre va être prochaînemeny envoyé dans plusieurs librairies qui seront libres chacune de faire des réductions aux clients. "Pour dire que le livre n’est pas mort, et pour encourager la lecture", explique Loubna Serraj, éditrice à La Croisée des Chemins. Pour soutenir encore davantage les libraires partenaires de l’initiative, les commandes seront facturées plus tard par les éditeurs, selon les ventes réalisée. "On souhaite faire un cercle vertueux pour relancer le secteur du livre", résume l'éditrice.

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