À la Librairie des Aravis à Thônes, Jean-Marc Lefèvre "n’en reviens pas" de la hausse de 80% de son chiffre d'affaires. À Paris, la librairie L'Utopie voit ses ventes augmenter de 56%. Même avec une augmentation plus modeste de 8%, Emmanuelle Sicard, directrice de la librairie Ombres Blanches à Toulouse, parle de "retours assez réconfortants pour la suite".
L'afflux de nouveau clients et l'effet "click & collect"
La mise en place du "click & collect" a touché une nouvelle clientèle dans certaines librairies. "Je pense que le développement de notre service de "click & collect" nous a fait connaître auprès d’une autre clientèle et nous a permis d'avoir une hausse de 20 à 25% de nos ventes par rapport à l’année dernière", avance Sabine Didier pour sa librairie Fontaine à Lubéron.
"Nos ventes ont doublé, il y a eu un effet de notoriété", analyse pour sa part Jean-Baptiste Laurin qui a ouvert la librairie Albertine à Concarneau il y a deux ans. Mais, les libraires remarquent un changement de consommation. À L'encre bleue à Granville, on l'assure : "les clients ont pris l'habitude de réserver ou de savoir ce qu'ils veulent à l'avance, ils flânent beaucoup moins dans les rayons".
Une situation que regrette Jean-Marie Aubert, responsable de la librairie Massena à Nice, qui accuse le coup. "On veut que les gens oublient le "click & collect", on préfère qu’ils viennent nous rendre visite et qu’on puisse les conseiller et les orienter", déclare-t-il. Au BHV Marais à Paris, le système de vente à emporter ne rencontre pas le succès. "On n'a pas eu beaucoup de demande en novembre", admet Cyril Aliou, qui se réjouit toutefois d'un bon mois de décembre avec une augmentation globale de 14% des ventes.
Best-seller, Goncourt et rayon pratique
Les clients se sont majoritairement dirigés vers les mêmes achats. "Les livres de Barack Obama, de Riad Sattouf, On va déguster l’Italie de François-Régis Gaudry ont particulièrement la cote, tout comme L’anomalie de Hervé Le Tellier. Pour ce Goncourt 2020, la librairie a vendu le double d’exemplaires, si ce n’est plus, par rapport à la moyenne de lauréats des années précédentes", résume Mikaël Raoul de Dialogues à Brest.
De même que les rayons bande dessinée et cuisine. Pour la Maison du livre de Rodez, le directeur Benoît Bougerol signale un rebond de 50% de ses ventes de BD. Les chiffres sont à peu près les mêmes pour le rayon pratique du BHV Marais, où les ventes de "livres pratique et cuisine" ont augmenté de 55% pour ce mois-ci.
Une histoire de conjecture: la crise sanitaire
Les restrictions gouvernementales, qui préconisaient de passer les fêtes de fin d'année avec un nombre restreint de six personnes, auraient pu être bénéfiques pour les libraires. "Cette année, les Français ont été contraint de rester en comité plus restreint pour les fêtes. Je pense qu'ils ont donc acheté moins de cadeaux, mais avec plus de valeur", avance Olivier Labbé qui a connu une hausse de 37% de ses ventes dans sa librairie éponyme à Blois.
La librairie Actes sud à Arles observe une augmentation du panier moyen. La responsable Charlotte Lesaulnier explique avoir vu son panier moyen passer d'environ 31 euros à près de 36 euros. Pour Manuel Huriot, gérant de La friche à Paris, il y a eu "un engouement après le deuxième confinement avec un attachement à la librairie qui est remonté grâce au buzz de leur fermeture".
"Les gens sont retournés vers les librairies indépendantes. Aller en librairie est devenu un acte citoyen", proclame une employée de la librairie Le 5ème art. Dans Le vent délire au Capbreton, on estime même que "beaucoup de repentis d'Amazon redécouvrent l'échange qui existe dans une librairie".
Une pérennité incertaine
Nathalie Deleval, directrice du livre au Furet du Nord, a vu les ventes augmenter de 10%. Elle évoque un très bon mois, "bien qu'on ne compense pas les pertes de novembre, encore moins celles des trois mois de confinement". Elle reste cependant optimiste sur les résultats de la rentrée d'hiver. Reste à voir si le récent engouement de la population pour les librairies persiste en 2021.
Pour sa part, Jean-Marie Aubert est plus mitigé. "Je pense que cela est très conjoncturel et lié à la baisse de l’offre culturelle avec la fermeture des cinémas, théâtres et musées. Je ne sais pas si cet intérêt pour les librairies va rester dans le temps", craint-il.