5 avril > Premier Roman Etats-Unis > Lindsey Lee Johnson

Dans les environs de San Francisco, Mill Valley eut droit à son quart d’heure de célébrité grâce au tube hippie de Rita Abrams, une institutrice à couettes qui chantait la beauté de ce petit havre verdoyant avec sa chorale d’élèves. Quand Molly Nicoll y est nommée professeure d’anglais, l’endroit est devenu l’un des plus huppés de Californie. "En 2013, le prix moyen d’une maison avait grimpé bien au-delà du million de dollars." "A des années-lumière" de l’industriel Fresno, qu’elle a fui, l’enseignante va pouvoir donner des cours dans une atmosphère relativement calme. Des conditions normales, croit-elle. Le personnage du premier roman de Lindsey Lee Johnson, L’endroit le plus dangereux du monde, déchante, et le lecteur avec elle. En vérité, on était un peu prévenu. Le livre qui se décline selon les niveaux de l’enseignement secondaire américain, "8th Grade", "Junior Year", "Senior Year", traduits pour plus de commodité : "Quatrième", "Première", "Terminale", donne à voir dès le premier chapitre le monde impitoyable de cette adolescence privilégiée accro à Facebook et autre moyen de communication par écrans interposés. En Quatrième, avant que Molly ne débarque dans ce bahut, il y avait eu cette histoire de lettre. Tristan Bloch, le matheux balourd, envoie une déclaration d’amour à Cally qui en pince pour l’athlétique Ryan, le cool guy de la classe. Poussée par sa meilleure amie Abigail, elle montre la missive à Ryan. On se fait l’ami Facebook de Tristan avant que les réseaux sociaux ne se déchaînent. C’est un torrent de haine. Damien Flintov : "trisstan é un gros pervers". Jonas Everett : "xlt". Damien Flintov : "hé triss. si j’avais ta tête je me flinguerais". Treize likes. Un jour, Tristan Bloch enfourche sa bicyclette et pédale à toute allure jusqu’au Golden Gate, ce pont suspendu, véritable fierté locale qui, jusqu’en 1965, avait la plus grande portée du monde et "s’élevait 227 mètres au-dessus de la mer". De ce pont le garçon se jette.

Pressions des parents, conformisme des jeunes entre eux, dramatisation de chaque micro-événement d’une existence à l’abri des vicissitudes du monde adulte, complots de cour d’école… Lindsey Lee Johnson dépeint à merveille ce petit théâtre de la cruauté adolescent entre torpeur de l’ennui et urgence du désir. S. J. R.

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