3 avril > Roman France

Philippe Delerm- Photo HERMANCE TRIAY/SEUIL

A côté de ses "textes courts" qui l’ont rendu célèbre, Philippe Delerm est aussi l’auteur de quelques romans, dans une veine farfelue. Le dernier - sauf erreur ou omission car ce garçon est aussi prolifique que "tous genres" - remontant à Quelque chose en lui de Bartleby, paru au Mercure de France en 2009. Tout en continuant de semer ses petits cailloux, Delerm a donc pris le temps de la réflexion et du travail. Ce qui nous vaut aujourd’hui Elle marchait sur un fil, que l’on peut considérer comme son premier roman.

L’héroïne s’appelle Marie. Elle a une cinquantaine d’années. Agrégée de lettres, elle est devenue attachée de presse free lance dans l’édition. Métier qu’elle exerce sans concession quant à la qualité littéraire des auteurs qu’on lui confie, qu’elle choisit. Son compagnon, Pierre, avec qui ils ont eu un fils, Etienne, est architecte. Mais le couple vient de se séparer. "La femme mûre quittée par l’homme de sa vie", comme dit son amie Agnès, c’est assez classique. Pour se retrouver, Marie séjourne le plus possible dans leur maison bretonne du Faouët, même hors saison, en avril, quand commence le roman. Elle est triste, bien sûr, y compris parce que leur voisin et ami, André, trop âgé, vient de vendre sa propre demeure pour partir en maison de retraite. Pour seuls plaisirs, elle relit Proust, accueille sa petite-fille Léa, avec qui elle s’est construit une belle relation complice, et aide Agnès dans sa galerie salon de thé.

Et puis, viennent s’installer dans l’ancienne maison d’André une bande de jeunes gens, les enfants des nouveaux propriétaires, dont elle découvre vite qu’ils sont des apprentis comédiens qui préparent le Conservatoire. Un hasard qui va faire basculer sa vie. Autrefois, Etienne aussi avait été comédien, plutôt talentueux. Mais il a renoncé à cette carrière et à son rêve, pour devenir architecte d’intérieur. Marie, au fond, lui en veut d’avoir sacrifié l’art au confort bobo. Elle-même auteure frustrée, elle va, à leur demande, devenir le coach, puis la dramaturge, puis l’âme de la troupe de ses jeunes voisins, avec qui elle écrit et monte un spectacle, Le fil. De retour à Paris, elle se démènera pour faire jouer la pièce. Tout le monde comprend bien que cette entreprise est vitale pour Marie, qu’elle avance pour ne pas tomber, et le lecteur partage cet enthousiasme retrouvé. Mais, vu sa fragilité psychologique, ne s’est-elle pas lancé un défi trop ambitieux ?

Cette Marie qui "marchait sur un fil", c’est avant tout un beau portrait de femme, prise dans des problématiques très contemporaines. C’est aussi une réflexion sur la création, en particulier théâtrale, un domaine que Philippe Delerm connaît bien. C’est encore un roman sur les rapports parents-enfants, compliqués par l’exercice d’une profession artistique : amour, admiration, jalousie, frustration, déceptions… Aucune resemblance avec la famille Delerm J.-C. P.

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