Même si elle a étudié l’ancien français, et que son livre s’appuie sur une solide documentation - les chansons et les lettres des protagonistes citées sont authentiques, précise-t-elle -, Clara Dupont-Monod se défend d’avoir voulu faire œuvre d’historienne. Même, à la fin, elle revendique sa liberté, sa latitude de romancière par rapport à l’histoire. Roman "dans l’histoire", donc, et non "roman historique", La révolte est une curieuse construction, où Clara Dupont-Monod revisite la vie tumultueuse d’Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), à travers différents points de vue et narrateurs. Principalement son fils préféré, Richard Ier Cœur de Lion (1157-1199), mais aussi elle-même, en alternance. Logique, puisque la mère a vécu plus longtemps que ses fils, et que ses deux maris, Louis VII de France puis Henri II Plantagenêt d’Angleterre, qu’elle épousa en 1152 contre l’avis de l’Eglise, ayant obtenu l’annulation de sa première union avec un roi qui l’aimait et qu’elle méprisait, pour en épouser un autre, dont elle devint la pire ennemie.
Car cette femme, la vraie héroïne du roman, est dépeinte comme ambitieuse, autoritaire, aussi despotique que les monarques mâles, même si par ailleurs très cultivée et amatrice de poésie. Elle se plaisait à rappeler que son grand-père avait été troubadour. Quant à Richard, bien qu’il aimât aussi les arts, Clara Dupont-Monod en fait un soudard d’une cruauté avérée, responsable, entre autres, du massacre de la population de Saint-Jean-d’Acre, en 1191, qui avait pourtant capitulé. Certains épisodes de sa vie sont connus et légendaires (son échec à reprendre Jérusalem, son kidnapping, sa captivité), on connaît moins son respect pour Saladin, son rêve, un temps, d’une fusion entre l’Occident chrétien et l’Orient mahométan. Pour le reste, il a passé sa vie à guerroyer, aux côtés de sa mère, contre son père et son frère cadet Jean sans Terre, le félon, puis contre Philippe Auguste, et ne s’est jamais soucié de l’Angleterre où il n’a guère mis les pieds.
Nul folklore dans ce livre parfois rude, nul exotisme dans le style, mais une analyse fouillée, moderne, des ressorts les plus profonds de l’âme humaine: l’humiliation, la trahison, la révolte, la haine, la violence, l’ambition, la passion et le pouvoir. L’amour, ici, n’a pas vraiment sa place. J.-C. P.