Les ventes de livres ont profité, cet été, de la météo capricieuse. En rupture totale avec les contre-performances de juin, marquées par une chute de 6,5 %, notre baromètre Livres Hebdo/I+C affiche pour juillet une hausse de 2 %. Corrigée des jours ouvrés, la progression atteint même 5,5 %. Sur le terrain, les premiers échos viennent confirmer cette tendance et surtout annoncent son prolongement en août, si les tout derniers jours du mois, traditionnellement forts, restent en phase avec la tendance estivale.
De l’avis général, l’activité a surtout bénéficié d’une hausse de fréquentation des magasins. Au-delà de l’effet météo indéniable, les libraires ont le sentiment que les Français sont moins partis en voyage. Ainsi, à Arcachon, Anne Giraudeau (Librairie générale) estime avoir davantage eu affaire cette année à des habitués ayant des maisons secondaires dans la région et venus plus que d’habitude chercher ses conseils. Cette demande de conseils, Inès Lavigne (Bookstore à Biarritz) l’a aussi fortement ressentie. "On a également été très sollicités pour des paquets cadeaux. En fait, on a vu beaucoup de gens qui étaient accueillis pour les vacances par des amis ou de la famille et qui voulaient offrir un livre à leurs hôtes." Derrière ces observations, Isabelle Colin (Quai des mots à Epinal) veut croire que le regain d’activité qu’elle a aussi enregistré cet été est en partie le fruit de ses efforts. "Du coup, peut-être que les gens commencent à nous aimer ! On dirait aussi qu’ils se veulent plus responsables par rapport à tout ce qui se dit sur Amazon."
Diversité des ventes.
Dans ce cadre, souligne Matthieu de Montchalin (L’Armitière à Rouen), "les ventes ont été moins dominées par les supposés best-sellers de l’été. C’est marquant quand on regarde la liste des meilleures ventes de Datalib, avec dans les tout premiers rangs des titres parus en janvier. Comme quoi, le marketing ne règle pas tout!"
Mais les librairies ne sont pas seules à avoir profité de l’été. Chez Cultura, Eric Lafraise, chef du produit livres, se dit "heureusement surpris" par les ventes de "juillet et août". Et à la Fnac, Laurence Deschamps, chef de produit littérature, parle de "croissance intéressante". Là encore, précise-t-elle, "la progression ne s’est pas faite grâce aux best-sellers. Au contraire même, puisque notre top 20 pèse moins lourd que l’an dernier. Cela signifie que notre activité a été tirée par les ventes de nombreux titres différents." Une tendance que l’on ne retrouve toutefois pas dans le numérique. "Si les ventes d’ebooks à la Fnac ont continué cet été à prendre de l’ampleur, constate Laurence Deschamps, elles ont largement porté sur les best, notamment en romans et en polars."
A côté de ces tendances générales, les ventes estivales ont révélé un véritable phénomène autour des romans pour adolescents, à commencer par Nos étoiles contraires. A la Fnac, c’est même le numéro un du top 20 qui compte pas moins de quatre titres pour adolescents.
Pouvoir d’achat.
Mais bien sûr, comme chaque été, le poche a aussi été à l’honneur. D’autant que cette année, Le Livre de poche avait initié une opération autour d’un camion-librairie sillonnant les stations balnéaires du 16 juillet au 15 août. Dix-sept villes ont ainsi été visitées avec, chaque fois, la participation d’un libraire local chargé d’effectuer, au sein de la production du Livre de poche, sa propre sélection pour la présenter et la vendre dans le camion. A en croire les diverses parties, le résultat est plus que concluant. A Quiberon, Guerven Nicol (librairie de Port Maria) a particulièrement apprécié "la venue de gens que l’on ne voit pas dans notre magasin". Et au Livre de poche, Véronique Cardi, directrice générale, constate que les ventes ont porté sur plus de 400 titres différents (adultes et jeunesse) et ont flirté autour de 200 exemplaires en moyenne quotidienne, soit environ 5 000 exemplaires sur l’ensemble de la tournée.
Si, globalement, la tendance estivale est positive, les achats de livres restent sans surprise freinés par la faiblesse du pouvoir d’achat. En effet, les hypermarchés ont continué à souffrir avec un recul de 1 % en juillet. Et dans les librairies de moindre taille, les ventes n’ont pas forcément été au rendez-vous. A Lorgues, Michel Paolasso (Librairie lorguaise) raconte "les gens entraient, regardaient mais n’achetaient pas. Ce n’est d’ailleurs pas propre à la librairie. Dans la région, beaucoup de commerces ont senti que les vacanciers faisaient attention."
D’ailleurs, dans le contexte actuel, même quand ils se félicitent de leurs ventes en juillet-août, la plupart des libraires restent prudents. "Ça fonctionne mais on sent bien que c’est tendu", résume Marc Bittoré, P-DG de Gibert Joseph. Du coup, malgré l’enthousiasme que suscite toujours la rentrée littéraire, ils se veulent vigilants.