1er novembre > Roman Etats-Unis

A cet âge-là, l’invincibilité est une option. De même qu’une forme très pure de charisme, l’amitié qui ne saurait être autre que particulière, le désir de dominer l’autre, la joie d’être soumise à ses usages, de ne pas acquiescer à la meute sans toutefois en rejeter les plaisirs. A quoi rêvent les jeunes filles ?

Megan Abbott- Photo DREW REILLY/LATTÈS

Pour Addy Hanlon et Beth Cassidy, lycéennes dans un établissement banal du Midwest, ce serait de sortir du rang. Se distinguer, mais d’abord par la crainte, l’admiration, l’adoration parfois qu’elles inspirent (et en premier lieu, Beth) à leurs camarades. L’outil de cette prise de pouvoir ce sera les concours et de démonstrations de pom-pom girls par lesquels l’Amérique «wasp» s’idéalise encore en société blanche et fraternelle. L’arrivée d’une nouvelle coach pour l’équipe, jolie, mariée, mère de deux enfants, va changer bien des choses, révéler chacune à son ambition et mécaniquement faire déchoir Beth du piédestal sur lequel elle s’était naturellement hissée. Se met alors en place une mécanique terrifiante de haine et de séduction sur laquelle se fracassera cet éden fallacieux.

On a dit de Megan Abbott, dont cet impeccable et stylé Vilaines filles est le sixième roman traduit en français, qu’elle était la nouvelle reine du roman noir. On a évoqué à son propos Chandler ou bien, parfois, Patricia Highsmith. Pourtant, dans ces pages (comme dans l’un de ses plus beaux livres, La fin de l’innocence, Lattès, 2012), c’est plutôt du côté de la grande Joyce Carol Oates qu’il conviendrait de chercher comparaison. Même capacité d’incarnation, même intensité dramatique, même sourde exaltation de la violence, Abbott puise chez son aînée une identique virtuosité en matière de perversion du genre. Ce genre-là, de toute façon, serait assez le nôtre.

Olivier Mony

 

 

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