Alors que certains pays s'efforcent de promouvoir l'égalité, d'autres ne s'émeuvent guère des différences de classes ou de sexes. C'est le cas de Taïwan, qui assume clairement ces disparités. Certains s'en accommodent, d'autres rêveraient d'échapper à leur condition. Telle Yunxian, éternellement complexée par ses origines sociales. Cette faille oriente toute son existence. Comme si avoir un sac de marque était l'incarnation suprême de la réussite. Même son union avec un homme mieux loti ne l'apaise pas. Envieuse, elle scrute constamment la vie d'autrui. Or comme le rappelle Montesquieu, « nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont ». Inutile de se lancer dans des comparaisons, surtout à l'ère des réseaux sociaux, où le bonheur est érigé en religion mensongère. Tout paraît si lisse, si facile... Une autre pression accable Yunxian : la maternité. Celle-ci doit rimer avec perfection, alors autant dire que son fils unique, Peichen, en fait les frais. Ce gamin doué, voué à rester dans l'ombre, mérite mieux que son sort prédéterminé. Une opportunité miraculeuse s'offre à eux, lorsque ses frais de scolarité sont pris en charge par un couple privilégié. Il s'agit du patron de son mari, touché par l'amitié qui s'est tissée entre son fils et celui de l'héroïne. Celle-ci se dit que, si elle accepte leur proposition, Peichen pourra prendre l'ascenseur social et enfin faire sa fierté. « Dans l'intérêt de son enfant, Yunxian avait pris des libertés avec la morale », or cela a inévitablement un prix. C'est alors que cette mère, rongée par la culpabilité, découvre que « garder un secret, c'était comme avoir une pierre dans la bouche : le garder ou l'avaler, aucune alternative ne laissait le corps en paix ».

Il en va aussi ainsi de l'écriture, nerveuse et dynamique, de la trentenaire taïwanaise Wu Xiaole. Les nouvelles de son recueil Vos enfants ne sont pas les vôtres avaient déjà séduit Netflix − qui a aussi acheté les droits du roman. L'auteure y traitait de « la pression sociale, l'oppression parentale et le dysfonctionnement familial », des thèmes qu'on retrouve dans cette histoire, véritable miroir de nos sociétés contemporaines. « Les parents peuvent punir leur enfant, mais qui s'occupe de punir les parents ? Plus on se nourrit d'espoirs, plus la chute est rude. »