Troisième directeur en quatre ans de la Foire de Londres, Adam Ridgway a pris ses fonctions au printemps dernier et participera pour la première fois à l'un des rendez-vous majeur de l'édition mondiale, du 11 au 13 mars prochains, à l'Olympia Hall. Collaborateur depuis quatre ans du groupe ReadX, leader mondial de l'évènementiel qui opère la manifestation, il découvre le secteur de l'édition et dévoile à Livres Hebdo son rapport d'étonnement et ses idées d'évolution pour la Foire.
Livres Hebdo : Vous avez pris la tête de la Foire de Londres après deux mandats (très) courts de vos prédécesseurs. Cela signifie-t-il également un changement de stratégie pour le rendez-vous ?
Adam Ridgway : J'ai toujours eu une approche qui consiste à bien comprendre ce que j'ai sous les yeux avant d'y apporter des modifications. Car parfois, on ne sait pas immédiatement ce qui est bon ou mauvais. Je n'ai pas encore vu la London Book Fair. Ce serait présomptueux de ma part de dire "faisons ceci, faisons cela". Il faut d'abord observer et comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Ce que j'ai fait, c'est écouter attentivement mon prédécesseur, Gareth (Rapley, directeur pour les éditions 2023 et 2024, ndlr), et prendre en compte ce qu'il souhaitait changer dans le salon. Cela m'a servi de point de départ. Je dois voir l'événement avant de pouvoir juger ce qui pourrait être amélioré. J'ai déjà quelques idées, bien sûr, mais il y a aussi des contraintes à considérer.
Lesquelles ?
Par exemple, nous avons une capacité limitée en termes d'espace. Si je veux ajouter un nouvel élément, il faut voir si cela est réalisable. Il s'agit plus d'une évolution progressive que d'une révolution soudaine.
Un des sujets les plus discutés est l'intelligence artificielle (IA). Tout le monde en parle, mais peu d'exposants présentent réellement des solutions IA. Cela va créer une forte dynamique autour du sujet sans que j'aie besoin d'intervenir. De même, le secteur de l'audio a pris de l'ampleur. Cette année, nous avons une section audio deux fois plus grande que la précédente, car ce segment du marché croit à un rythme de 8 % par an, bien plus vite que le reste de l'édition. Cependant, cela ne signifie pas qu'il continuera à grandir indéfiniment. Les éditeurs intègrent l'audio à leur offre globale, mais ils ne vont pas multiplier les stands spécifiques à l'audio !
« Nos tarifs ont augmenté d'environ 4 %, ce qui reste inférieur à la hausse du prix des livres »
Si vous êtes chez ReadX depuis plusieurs années, vous découvrez le milieu de l’édition. Qu’avez-vous trouvé d'intéressant et qu'est-ce qui a retenu votre attention depuis votre prise de poste au printemps dernier ?
Ce qui m'a le plus surpris, c'est la réceptivité du secteur à l'innovation. Je m'attendais à une industrie dominée par des dirigeants installés depuis longtemps, comme c'est souvent le cas. Or, si cela reste partiellement vrai, l'édition est bien plus diversifiée en termes de genre, d'ethnicité, et d'inclusion que d'autres industries.
J'ai été impressionné par l'intérêt des professionnels pour les nouvelles façons de consommer du contenu. Les marges dans l'édition sont faibles, donc ils doivent constamment chercher des opportunités, faute de quoi ils risquent de disparaître.
Un point qui m'a particulièrement marqué est également l'impact de l'intelligence artificielle sur la création. Avant de rejoindre ce secteur, je pensais que l'IA affecterait surtout la musique, en générant des morceaux uniformes, comme cela s'est vu par le passé avec certaines tendances musicales. Mais l'IA est bien plus large. Elle pourrait toucher de nombreux aspects de la création et pose un risque pour les auteurs et créateurs. Mon rôle est aussi de veiller à ce que ces talents soient protégés et puissent continuer à vivre de leur travail.
Cette année, on note une hausse des prix des stands. Comment la justifiez-vous et que pouvez-vous dire aux éditeurs français et étrangers pour les rassurer ?
Nos tarifs ont augmenté d'environ 4 %, ce qui reste inférieur à la hausse du prix des livres, qui se situe plutôt autour de 6 % à 7 %. Organiser un salon international à Londres, l'une des villes les plus coûteuses au monde, implique des frais importants.
Certains prestataires ont augmenté leurs prix de 30 % en raison des nouvelles réglementations et de l'inflation. Nous devons nous adapter tout en essayant de contenir ces hausses pour nos exposants. Cette situation touche tout le secteur de l'édition, avec l'augmentation du coût du papier, des salaires, de la distribution, etc.
Quel est votre point de vue sur le marché du livre en France ?
Je ne suis pas expert du marché français, mais je sais que la France a une longue tradition littéraire. Comme beaucoup, j'ai grandi en lisant des bandes dessinées françaises comme Astérix et Lucky Luke.
Le défi est le même partout : encourager les jeunes à lire en adaptant l'offre à leurs modes de consommation. Ce peut être sous format numérique, audio, ou via des vidéos. L'implication des parents et des politiques éducatives est essentielle pour promouvoir la lecture.
Vous allez donc accueillir pour la première fois les professionnels français de l’édition, avez-vous un mot de bienvenue à leur égard ?
Restez fidèles à votre identité. Le modèle français est unique. Toutefois, il faut penser au-delà du livre imprimé. Les librairies peuvent proposer des lectures publiques, des cours d'écriture, des clubs de lecture. L'essentiel est de s'adapter pour assurer leur viabilité économique.