Entretien

Andrew Wylie : "Une agence comme la nôtre est là pour faire gagner plus d'argent à l'écrivain."

Le redoutable agent Andrew Wylie (à droite), en pleine négociation dans le centre des agents. - Photo alw

Andrew Wylie : "Une agence comme la nôtre est là pour faire gagner plus d'argent à l'écrivain."

A la tête de l'agence new yorkaise The Wylie agency depuis 1980, il représente plus de cent talents à travers le monde, dont plusieurs auteurs francophones comme Edouard Louis, Yasmina Reza, Jean Hatzfeld et Milan Kundera.

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Par Isabel Contreras,
Créé le 12.10.2021 à 18h01

Les agents littéraires s'implantent en France, est-ce pour vous la fin d'une exception française ?

C'est un progrès. Les écrivains français comprennent enfin que la relation exclusive avec leur éditeur ne peut plus fonctionner sur le long terme. On est loin de l'époque où Gallimard payait les loyers de Sartre et Camus ! Une agence comme la nôtre est là pour faire gagner plus d'argent à l'écrivain. Regardez l'exemple de Philip Roth. Avant que je ne le représente, il avait cédé ses droits mondiaux à sa maison d'édition américaine, Farrar, Straus and Giroux. Son éditeur, Roger Farrar, avait vendu les droits de ses livres à ses amis éditeurs étrangers dans des conditions, disons-le, amicales...

Du moment où j'ai commencé à le représenter, Philip Roth a vu ses revenus augmenter de 300 %. J'ai tout simplement travaillé son œuvre d'un point de vue commercial. Ma commission est de 20 %.

Des agences anglo-saxonnes s'intéressent de plus en plus aux écrivains français. De Nurnberg à Curtis Brown, en passant par RCW. Aujourd'hui vous représentez plusieurs auteurs français dont Edouard Louis. Pourquoi cet intérêt soudain ?

Représenter un écrivain d'un pays étranger nous permet de mieux connaître et comprendre les spécificités d'un marché. Ce fut le cas pour nous lorsque nous avons commencé à gérer la succession d'Italo Calvino, en Italie. Cela nous a permis de comprendre le marché italien et surtout de voir ce qui était possible de faire là-bas avec les écrivains locaux. Même cas de figure en Allemagne avec W.G. Sebald ou dans le marché hispanophone avec Borges. En France, nous nous occupons depuis quelques années des droits étrangers de la succession de Camus. À l'époque, j'avais contacté la fille d'Albert Camus, Catherine, et nous avions sérieusement discuté sur les bénéfices que la famille pouvait tirer de l'œuvre de son père sur le long terme. Nous avons donc conclu ce deal en accord avec Gallimard.

Mais c'est donc le bon moment pour intégrer le marché français ?

Je remarque un changement d'époque. Nous habitons dans une planète ultra-connectée où les moyens de communication ne font que se développer. Aujourd'hui, un écrivain veut d'abord exister dans son pays, puis dans un second temps, être traduit en langue anglaise. Il croit aussi qu'un agent américain fera mieux le job qu'un responsable de droits étrangers d'une maison d'édition. Cela peut-être vrai... ou pas. Nous avons essayé de représenter Philippe Djian et Christine Angot il y a quelques années mais leur littérature était très difficile à exporter. Financièrement, Christine Angot a bien compris que c'était plus intéressant pour elle de laisser Flammarion gérer ses droits étrangers, son marché étant presque exclusivement français. Il faut toujours chercher la manière la plus efficace d'intégrer un marché. Et Édouard Louis nous a beaucoup appris sur le marché français. Aujourd'hui ses livres sont traduits en trente langues et le choix de chaque maison d'édition étrangère lui revient. Et nous procédons de la même manière avec nos autres clients Yasmina Reza, Jean Hatzfeld, Geoffrey de Lagasnerie, Camille Bordas, Marion Messina... Sans oublier Milan Kundera, Adonis et Ismail Kadare qui écrivent en français. Ce qui est vrai, en revanche, c'est que nous réalisons des investissements gigantesques pour réussir à exporter nos clients. J'ai dû faire au moins 14 allers-retours à Paris en un an lorsque j'ai décidé, il y a quelques années, de m'intéresser au marché français.

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