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Au Paris Book Market, des éditeurs étrangers « enchantés de se concentrer sur les livres français »

Richard Village, fondateur de Foundry Editions (Royaume-Uni), pendant le Paris Book Market - Photo Olivia Snaije

Au Paris Book Market, des éditeurs étrangers « enchantés de se concentrer sur les livres français »

La 3e édition du Paris Book Market, organisée par le Bureau international de l’édition française, a accueilli environ 280 éditeurs étrangers venus des quatre coins du monde. Parmi eux, nombreux étaient les représentants de pays non francophones venus chercher dans les parutions de langue française des débouchés pour leurs marchés respectifs.

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Par Olivia Snaije
Créé le 31.05.2024 à 16h13

Quelque 280 éditeurs étrangers se pressent depuis le 29 mai à la 3e édition du Paris Book Market (PBM), organisée rue de Turenne, à Paris, par le Bureau international de l’édition française (Bief). L’événement, qui s’achève ce vendredi, s’impose année après année comme un rendez-vous majeur pour tout éditeur étranger désireux de s’ouvrir les portes de l'édition française.

Parmi les éditeurs qui ont fait le déplacement, Richard Village, dirigeant-fondateur de la maison d’édition indépendante britannique Foundry Editions, ne cache pas son enthousiasme. « Le monde du livre en France est très vaste et souvent assez impénétrable. Il n’est pas évident de savoir comment y pénétrer et rencontrer des gens. Les grands salons du livre sont formidables, mais pour quelqu'un de nouveau, qui découvre comment cela fonctionne, être au PBM est une opportunité incroyable, se félicite-t-il. Ici, je peux me concentrer en un seul endroit sur les éditeurs français, petits et grands. Je rencontre également des éditeurs francophones. Cela me donne l’opportunité d’étudier en profondeur le marché français. »

Des données encourageantes provenant du Royaume-Uni en 2022, commandées à Nielsen par le Booker Prize, montrent que les ventes d’œuvres traduites ont augmenté de 22 % entre 2021 et 2022 et que 50 % des lecteurs de cette littérature avaient moins de 35 ans. Les traductions ne représentant que 5,63 % des fictions publiées au Royaume-Uni en 2019, Foundry Editions arrive à un moment propice. La maison publiera des livres traduits du bassin méditerranéen, avec Brandy Sour, premier titre de l’autrice chypriote Constantia Soteriou (traduction de Lina Protopapa) qui sera lancé la semaine prochaine, et Your little Matter de l’italienne Maria Grazia Calandrone (traduction d’Antonella Lettieri) deux semaines plus tard.

Explorer les tendances du marché français

En 2025, Foundry Editions publiera également deux livres traduits du français : Le Palais des deux collines de Karim Kattan, auteur palestinien d’expression française (Elyzad, Tunisie, traduit par Jeffrey Zuckerman) qui a remporté le Prix des cinq continents de la francophonie 2021, et Un Simple Dîner de Cécile Tlili (Calmann-Lévy, traduit par Katherine Gregor).

Au PBM, Richard Village, qui a appris le français à l'école primaire et a étudié l’espagnol et l’italien à l’université d’Oxford, affiche un emploi du temps chargé avec des rendez-vous chez divers éditeurs, de Grasset à Gallimard, en passant les Forges de Vulcain. Lui qui espère explorer les tendances françaises est également passionné par les premiers romans. Il en donne même une définition plus que large : « On pourrait dire que tous les romans qui n’ont pas encore été publiés au Royaume-Uni sont des premiers romans ! »

Richard Village confie s’intéresser également aux voix venues du monde francophone. Les couvertures de Foundry Editions, créées par Hélène Marchal, une graphiste et illustratrice française basée à Londres, sont thématiques par pays. S’il s’est un temps interrogé sur la nécessité de proposer des couvertures distinctes entre ouvrages français et francophones, l’éditeur tend aujourd’hui à rassembler l’ensemble dans une même charte graphique.

Des liens de proximité entre littératures française et arabe

Comme Richard Village, Khamila El-Guindy, qui dirige le département traduction et droits de la maison d'édition égyptienne Al Rewaq Publishing, au Caire, se retrouve pour la première fois au PBM et à Paris. Elle y a été encouragée par Delphine Gervais, en charge des cessions de droits pour le groupe Adverbum, basé à Gap, qu'elle a rencontrée lors de l’Istanbul Fellowship Publishing, auquel les deux femmes ont virtuellement participé cette année.

Également traductrice littéraire de l'anglais et du français vers l'arabe, Khamila El-Guindy a décidé de venir à Paris car elle estime que la littérature française est beaucoup plus proche de l’arabe que d’autres littératures européennes. C’est notamment grâce à la littérature francophone qu’elle connaît les œuvres de l’auteur libanais Amin Maalouf ou l’écrivain franco-égyptien Gilbert Sinoué.

Khamila El-Guindy ne cherche pas seulement à acheter des titres, mais aussi à en vendre car elle espère qu'un certain nombre de ses livres pourraient intéresser les éditeurs français. Les éditions Al Rewaq ont ainsi récemment acquis deux livres de David Foenkinos : Le mystère Henri Pick et La vie heureuse (Gallimard). La maison d’édition travaille également à la relance de la série Arsène Lupin de Maurice Leblanc (dans le domaine public) et a publié jusqu’à présent six titres, tous des best-sellers.

S’affranchir de la domination culturelle des traductions de langue anglaise

Pour les deux premiers titres publiés en 2021, Gentleman cambrioleur et Contre Herlock Sholmès, Al Rewaq a procédé à sept réimpressions, un record selon Khamila El-Guindy, avec des ventes de 10 000 exemplaires « légaux » pour certains titres.

Par « légal », elle entend dans le cadre normal de l'édition, l'Égypte et le monde arabe en général souffrant d'un important problème de piratage, chaque best-seller générant environ 50 % de ventes supplémentaires à partir de copies piratées. Khamila El-Guindy souligne que les titres traduits en Égypte sont très « axés sur les États-Unis ». « Nous aimerions présenter d’autres cultures, comme celles de la Méditerranée, qui sont plus proches de notre histoire et où nous avons beaucoup de racines communes », poursuit-elle.

Autre néophyte du PBM, Pilar Beltran est rédactrice en chef des Edicions 62, de langue catalane et basées à Barcelone. Edicions 62 n'est guère étrangère à la littérature française, la maison publiant déjà des auteurs classiques ou contemporains tel que Eric Vuillard, Delphine de Vigan, Muriel Barbery, ou encore Patrick Modiano. Mais Pilar Beltran s’intéresse aussi aux auteurs francophones qui, selon elle, apportent « des voix et des visions très riches ».

Rencontrer les éditeurs français dans « leur habitat naturel ».

Lors de ses réunions, elle espère ainsi que les éditeurs lui indiqueront quels sont les titres importants de la rentrée et se dit heureuse de les rencontrer dans « leur habitat naturel ». « À Francfort, nous avons 50 000 réunions et ici je peux me concentrer uniquement sur les livres français », souligne-t-elle. Évoquant les rencontres organisées en février dernier par le Bief à Madrid et à Barcelone entre éditeurs espagnols et français de littérature et de sciences humaines et sociales, Pilar Beltran souligne que l'Espagne et la France entretiennent des relations fortes et que davantage de ces échanges devraient être encouragés. Motif supplémentaire, les mondes catalan et français « sont très proches », rappelle-t-elle.

Arrivé du Brésil, Telmo Diniz, qui a fondé Editora QS Comics en 2021, publie des bandes dessinées américaines et franco-belges. Il a commencé par la publication de quatre bandes dessinées en 2023 et en comptera six d'ici la fin de l’année. Telmo Diniz décrit le marché brésilien de la BD comme « assez restreint », 5 000 exemplaires vendus étant déjà considérés comme une très bonne vente chez le géant de l’Amérique du Sud. Au PBM, l’éditeur cherche donc à renforcer ses liens avec ses contacts établis en France, notamment les marques du groupe Mediatoon. QS Comics publie en effet Emmanuel Lepage et a récemment édité un recueil des sept premiers volumes de Bouncer d'Alejandro Jodorowsky et François Boucq (Les Humanoïdes Associés et Glénat).

Rouages de l’édition française

Les éditeurs étrangers sont encore loin de tous maîtriser tous les rouages de l’édition française. Ni Tilmo Diniz, ni Khamila El Guindy n'étaient par exemple au courant de la possibilité de financement des traductions disponible auprès du Centre national du livre (CNL). Mieux informé, Richard Village a de son côté déposé des demandes pour ses deux prochains livres en français, remerciant au passage Jérôme Chevrier, attaché culturel responsable du pôle livre à l’Ambassade de France à Londres, qui l’a aidé à constituer ses dossiers.

Mais tous ont en partage le sentiment d’avoir rentabilisé leur déplacement. Au cours du cocktail, comble, organisé le 29 mai pour accueillir les visiteurs, Pilar Beltran s’est dite très impressionnée par l'organisation du Bief qui, selon elle, est « exceptionnelle, pour avoir construit ce Paris Book Market en seulement trois ans ».

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