Grand philosophe polonais du XXe siècle, Leszek Kolakowski (1927-2009) reste encore méconnu en France. Dissident exilé à Oxford, il a enseigné au prestigieux All Souls College, influencé de nombreux intellectuels libéraux d’Isaiah Berlin à Raymond Aron, et écrit une trentaine de livres sur Spinoza, Hume ou Pascal parmi lesquels une Histoire du marxisme (Fayard, 1987) en trois tomes dont le dernier reste à traduire. Ce volume réunit neuf articles parus dans la revue Commentaire entre 1978 et 2008. Le philosophe y montre qu’être conservateur, libéral et socialiste représente un projet d’identité politique, car ces trois termes se nourrissent entre eux. En guise d’exemple, il cite l’injonction d’un conducteur de tramway entendue à Varsovie : "Avancez vers l’arrière s’il vous plaît !"
Avec esprit, il en fait son credo. "L’ennui, avec la doctrine sociale-démocrate, c’est qu’elle ne contient, ni ne propose, aucun des excitants produits idéologiques que les mouvements totalitaires - communistes, fascistes ou gauchistes - offrent à une jeunesse affamée de rêve." Avec cette même liberté de parole, Kolakowski aborde la religion, la manière dont le diable se niche dans l’histoire, le communisme auquel il adhéra un temps, ou les notions de civilisation, de barbarie et de décadence. "Les communautés humaines sont menacées non seulement de stagnation, mais encore de régression, lorsqu’elles se trouvent organisées de telle manière qu’il n’y a plus place pour l’initiative individuelle et la faculté de création." Bref, on ne peut promettre aux gens qu’ils seront heureux. Mais juste leur demander d’essayer.
L. L.