Prévisible dès lors que BEA quittait New York, où sont basés les gros bataillons de l'édition nationale et les grandes agences d'auteurs, et qui constitue son seul port d'attache depuis 2009, la baisse était dans une large mesure anticipée par Reed Expo. "Notre objectif était de toucher des visiteurs différents de ceux qui viennent à New York, notamment les libraires du Middle West", rappelle le nouveau directeur de la foire, Brien McDonald. Sur ce plan, l'opération est plutôt réussie. D'après Oren Teicher, le directeur général de l'American Booksellers Association (ABA, association des libraires américains), parmi plus de 1000 libraires adhérents venus à Chicago – seulement 5 % de moins que l'an dernier –, 65 % n'ont participé ni en 2015 ni en 2014 à la manifestation à New York.
Mesures d'économie
BEA 2016 est ainsi apparue largement recentrée sur les rencontres et négociations commerciales entre les exposants (éditeurs et producteurs de produits connexes tels des lunettes, jouets, gadgets ou produits textiles) et leurs clients sur le marché domestique (libraires, acheteurs des chaînes, grossistes, bibliothécaires...), qui constituent de longue date le socle de la manifestation. Les grands groupes new-yorkais avaient, par mesure d'économie, dépêché à Chicago des équipes réduites et recentrées autour de leurs commerciaux. Les éditeurs internationaux, eux, étaient quasiment absents, hormis les Polonais, invités d'honneur, les Chinois, les Turcs, les Italiens et les Coréens, qui disposaient de stands significatifs.
Même les éditeurs britanniques étaient peu présents, tandis que la Foire de Francfort s'est contentée d'un stand minuscule. Le premier stand cubain jamais accueilli à BEA avait, lui, une portée essentiellement symbolique. Pour sa part, le Bureau international de l'édition française (Bief), qui ne prend plus de stand à BEA depuis plusieurs années, a préféré organiser, les 9 et 10 juin à New York, des rencontres franco-américaines d'éditeurs de jeunesse, sur le modèle de celles dédiées à la bande dessinée en 2015 et au livre d'art en 2014.
Développement grand public
Pour de nombreux éditeurs et distributeurs américains de toutes tailles, BEA demeure cependant "un événement marketing clé" (Jack Jensen, Chronicle Books) et "un moment de contact très important" (Michael Pietsch, P-DG d'Hachette Book Group). Ils se réjouissent de l'ouverture au grand public, engagée il y a deux ans par la manifestation et désormais prolongée, le week-end, par "BookCon" (pour Book Convention), une manifestation tournée vers les book fans (fans de livres), qui a accueilli 18 000 visiteurs en 2015 à New York et qui leur permet de rentabiliser le gros investissement qu'ils consentent pour BEA.
Symptomatiquement, au sein de Reed Expo, BookExpo America a été rattachée il y a quelques mois à ReedPop, la division grand public. En outre, lors de sa prochaine édition en 2017, la durée d'ouverture de l'espace d'exposition, déjà réduite de 3 jours à 2 jours et demi il y a deux ans, sera ramenée à 2 jours, précédés d'un jour de conférences. "Nous n'enlèverons rien à BEA, assure Brien McDonald, mais nous voulons renforcer son rôle de plateforme de rencontre et de réseautage, et mieux la coordonner avec BookCon, de telle sorte que le développement combiné des deux événements renforce leur valeur pour les exposants."
En 2017, à New York, où la manifestation devrait retrouver plus d'ampleur qu'à Chicago, BookExpo America se déroulera du mercredi 31 mai, dédié aux conférences, au vendredi 2 juin. BookCon prendra la suite les samedi 3 et vendredi 4 juin.