"La sécurité ça n’existe pas." L’actualité nous le rappelle malheureusement trop souvent, mais là, ce sont les mots de Mireille Duval. Cette Haïtienne, installée à Miami, pensait pourtant connaître la stabilité dans son métier d’avocate ou sa vie de famille. Or lors d’un voyage sur sa terre natale, elle est kidnappée sous le regard effaré de son mari et de son bébé. A partir de là tout bascule. "Il y a trois Haïti : le pays que les Américains connaissent, le pays que les Haïtiens connaissent et le pays que je croyais connaître."
Mireille étant la fille d’un homme fortuné, elle représente une manne inestimable : un million de dollars que son père refuse obstinément de payer. Commencent alors treize jours d’enfer. Treize jours au cours desquels elle est violée sans relâche par son tortionnaire, le Commandant, et ses acolytes. "Il m’a dépouillé de quelque chose que je ne peux pas nommer." Certaines scènes sont à peine soutenables. "Je refusais de fléchir." Une attitude que Mireille Duval paye au prix fort. "Finalement, je comprenais la peur." Treize jours pour être réduite à l’état d’animal. "L’ambition de survie était mon unique émotion."
A la libération, l’héroïne réalise qu’elle est "devenue personne". Roxane Gay ne s’arrête pas là, elle raconte aussi l’après, si âpre. L’impossible retour à la vie, tant les meurtrissures physiques et mentales sont profondes. Une réappropriation de soi que la jeune auteure, d’origine haïtienne, excelle à décrire. Après avoir plaidé le droit des Noirs ou des classes défavorisées, cette "Bad feminist" (titre de son essai culte) défend le corps et l’âme des femmes. K. E.