L’auteur et poète Charles Juliet est décédé vendredi 26 juillet à Lyon, à l’âge de 89 ans. Écrivain solitaire et discret, il laisse derrière lui une trentaine de récits et poèmes, clés de voûte littéraire des mouvements intimes de son âme.
S’il commence à écrire dans sa vingtaine, Charles Juliet ne se fait repérer qu’une vingtaine d’années plus tard par Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L, à qui il restera toujours fidèle. Le grand public le découvre seulement en 1989 avec L’Année de l’éveil (P.O.L), récompensé du Grand prix des lectrices de Elle. Première confession intime d’une longue série, le récit retrace l’expérience de son auteur, ancien enfant de troupe à l’École militaire d’Aix-en-Provence qu’il intègre à l’âge de douze ans.
Une plume de l’intime
En 1995, Juliet poursuit cette réminiscence dans un second volet intitulé Lambeaux. D’abord publié chez P.O.L, puis réédité par Gallimard, l’ouvrage s’est écoulé, depuis sa parution, à plus de 400 000 exemplaires, selon GFK. Véritable chef-d'œuvre, le titre ravive le douloureux souvenir de la mère biologique de l’auteur, morte de faim après huit ans d’internement dans un hôpital psychiatrique.
Ces premiers pas titubants dans la vie marqueront durablement l’ensemble de l’œuvre de Juliet, dont le colossal Journal (P.O.L), qui regroupe dix volumes tenus sur un demi-siècle, depuis 1957. Dans ces carnets intimistes, l’auteur met à nu son âme, éprouvée par l’humilité et l’introspection. Il y dévoile plus largement les tourments d’un écrivain qui ne cesse de douter de lui-même, comme les difficultés que rencontre sa plume. En parallèle de cette vaste matière romanesque récompensée par le Grand prix de littérature de l’Académie française en 2017, l’auteur compose une importante somme poétique, elle aussi distinguée du prix Goncourt de la poésie en 2013.
Un écrivain torturé
Né en 1934 dans l’Ain, Charles Juliet est élevé par une famille de paysans après que sa mère biologique est internée en hôpital psychiatrique, suite à une tentative de suicide. À l’âge de sept ans, il apprend l’existence de sa génitrice en même temps que son décès. Cinq ans plus tard, il intègre l’École militaire d’Aix-en-Provence et en sort à l’âge de 20 ans. Admis à l’École de santé militaire à Lyon, il y étudie la médecine pendant trois ans avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Durant quinze longues années de solitude littéraire, l’écrivain en herbe déménage à Marseille et devient l’ami de plusieurs peintres dont Bram van Velde, Raoul Ubac ou encore Pierre Soulages.
Longtemps torturé et en conflit avec lui-même, Juliet ne trouve sa paix intérieure qu’à l’âge de 70 ans. Il n’a d’ailleurs jamais cessé d’écrire. Parmi ses dernières parutions, on compte notamment Pour plus de lumière (Poésie/Gallimard, 2020), Dans la lumière des saisons (P.O.L, 2022) ou encore La Fracture et autres textes (P.O.L, 2024), dans lequel cinq textes rendent hommage aux œuvres d’Albert Camus et de Robert Margerit.