14 septembre > Biographie France

Elle les a tous faits. De Gainsbourg à Chanel, en passant par Sagan, Bardot ou Saint Laurent, Marie-Dominique Lelièvre s’est faite chroniqueuse autant que biographe de nos mythologies françaises. La voici de retour avec un drôle d’oiseau qui vaut largement les "sujets" précédents et ne leur ressemble en rien. Venu de nulle part (c’est-à-dire d’une enfance raisonnablement malheureuse), guère attaché à son "misérable tas de secrets", indifférent au passé et d’abord au sien, ne croyant qu’à l’ici et maintenant et à sa propre ligne d’horizon, Claude Perdriel est un homme heureux. C’est le Gatsby le magnifique de la presse française qui aurait décidé de ne pas se laisser aller à la tristesse ni à l’échec. Magnifique trajectoire en effet que celle de cet entrepreneur-né, enfant des Trente Glorieuses et du confort moderne, ayant fait fortune dans la conception de sanibroyeurs, camarade de jeu de la bande à Sagan et à Bernard Frank, compagnon de route de la gauche sans en épouser les circonvolutions partisanes, réinventant la presse française du Nouvel Obs au Matin, ne s’attachant à rien qu’aux personnes et à une conception exigeante de sa propre liberté.

De la guerre jusqu’à nos jours, Marie-Dominique Lelièvre dresse le tableau de cette ambition française, de ce mogul dont la force fut de ne jamais céder à la tentation du devant de la scène. On retrouvera dans ce Sans oublier d’être heureux le talent de portraitiste de son auteure, qui sait allier une pointe de cruauté avec une vraie tendresse. Un demi-siècle de vie parisienne se déroule sous nos yeux : voici Jean Daniel, alter ego un peu encombré de lui-même, voici Franz-Olivier Giesbert, doué à faire peur, voilà Mitterrand, fauve carnassier et séducteur dont Perdriel codirigera la campagne de 1974, ce qui n’ira pas sans lui valoir quelques avanies. Voici les femmes et voici les enfants et le bonheur toujours, comme une politesse que l’on se doit à soi-même. O. M.

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