Ali Zamir fait partie de ces phénomènes littéraires qui passent, en un éclair, de l’ombre à la lumière. Dépourvu de ponctuation, Anguille sous roche s’est faufilé parmi les premiers romans les plus remarqués de 2016 (prix Senghor et Nelson-Mandela). Une aubaine pour ce jeune écrivain comorien qui, tout petit déjà, aimait jouer avec les mots issus de son stylo. Le français était "la seule langue qui me permettait de chuchoter mes secrets et d’être moi-même". Cet aveu s’est peu à peu concrétisé, malgré une enfance pas toujours évidente, au sein d’une famille monoparentale illettrée. Elle lui a très certainement inspiré ce second roman, Mon étincelle.
"La vie est une curieuse hirondelle coincée dans une vilaine poubelle." Une phrase d’ouverture poétique, en phase avec l’esprit de l’héroïne, Etincelle. Tandis que son avion traverse un ciel nuageux, elle ravive les turbulences de son existence. "Le voyage agite l’âme jusqu’à ce qu’il tende à sauter de la poitrine comme une boisson gazeuse." Pétillants, les récits de sa mère lui reviennent en mémoire, tout comme ses scènes de jalousie épiques. "En amour, le mot "danger" perd son sens : il ne fait que pimenter le degré de passion qui anime le cœur." Ceux de Douceur, Douleur, Dafalgan, Vitamine ou Calcium - les autres personnages du roman - vibrent au gré de leurs états d’âme. Chacun a son charme, ses drames, ses amours et ses joies.
"Les humains s’illusionnent lourdement sur la recherche du bonheur. Ce monde est un chemin…" Le roman ne dresse pas seulement les portraits d’êtres truculents, mais aussi celui des Comores, archipel agité de nombreux soubresauts. "Les magistrats font partie des gens qui ont mis le feu à ce pays. Ces gens-là ne font qu’engouffrer ce pays dans un trou noir. Le pays est actuellement semblable à un malade qui vivote dans une salle de réanimation." Or, "pour survivre, un peuple a très souvent plus besoin d’espoir que de richesse. Et c’est ce qui a nettement disparu, l’espoir." Ali Zamir unit l’héritage d’une culture orale à l’inventivité d’une langue écrite. "Tout le monde a besoin de l’autre dans ce voyage qu’on appelle la vie." K. E.