En 2020, le nombre d’usagers du prêt numérique en bibliothèque (PNB) s'est multiplié. Le nombre d'emprunts, lui, a explosé, passant à 1 million, soit 78% de plus par rapport à 2019. Ce service, disponible dans 5900 bibliothèques françaises (36% des établissements de lecture publique), a connu une apogée pendant le confinement avec près de 168000 prêts numériques enregistrés en avril 2020, contre 49000 l'année précédente.
Pour Olivier Zerbib, Maître de Conférences en Sociologie à UMR PACTE de l'Université Grenoble Alpes et auteur de l'étude Bibliothèques en période de confinement : pratiques et formes de présence, le confinement a été l'occasion pour les bibliothèques d'identifier les manques ressentis par leurs publics et de leur faire découvrir de nouveaux services virtuels.
Conduite au printemps puis à l'été 2020 auprès des usagers de quatre bibliothèques moyennes de Bordeaux, Toulouse, Grenoble et Nancy, l'enquête réalisée par Olivier Zerbib et son équipe s'interroge sur la façon dont le public perçoit la bibliothèque et ses services en général, et se penche sur ce que le confinement a modifié de ces perceptions et pratiques.
L'étude porte notamment sur les usages en bibliothèques, les usages culturels du numérique à domicile, les usages et perceptions de la bibliothèque durant le confinement et la perception des services numériques de la bibliothèque.
Un lien social qui a manqué
Les résultats sont parlants : si l'emprunt de documents physiques reste le service qui a le plus fait défaut aux usagers des bibliothèques pendant le confinement, ils sont 46% a évoquer une certaine nostalgie des lieux, de la possibilité de flâner et de consulter les documents sur place. Un tiers des sondés a également mentionné ressentir durement le manque du contact avec les bibliothécaires.
Côté numérique, 74% des enquêtés ont avoué avoir découvert les services numériques de leurs bibliothèques par le biais de sites web, et moins de 17% grâce aux réseaux sociaux. Pour Olivier Zerbib, cela montre que les bibliothèques restent encore sur un mode de médiation de l'information assez classique où l'usager doit aller chercher les informations à la source pour accéder aux ressources d'auto-formation, de patrimoine numérisé, de presse, livres, musique ou films en ligne.
Le prêt du livre numérique est apparu en contexte comme un vrai complément pour explorer les collections ou satisfaire une curiosité, mais ne s'est pas substitué à la fréquentation physique de la bibliothèque où la part de hasard joue un rôle important dans l'expérience lectrice.
En cours de publication, l'étude Bibliothèques en période de confinement : pratiques et formes de présence, apporte un éclairage nouveau et singulier sur les publics confinés, en identifiant quatre types d'usagers : les sociables, à la recherche d'une ambiance, de rencontres, de conseils, les plus affectés par la coupure sociale occasionnée par le confinement; les découvreurs, plus autonomes, avec une démarche de découverte dans les rayonnages ou la presse; les planificateurs, gros lecteurs et emprunteurs, qui ont pris l'habitude de se connecter ou de s'informer en amont de leur visite en bibliothèque; et enfin les éclectiques, explorateurs de différents registres littéraires ou cinématographiques, amateurs de "prises de risques", ouverts aux livres numériques, à la vidéo à la demande ou encore à l'éditorialisation de contenu. Tous ont pour point commun d'avoir été fidèles à leur bibliothèque "dans une sorte d'acte citoyen et de respect de l'éco-système du livre", analyse Olivier Zerbib.