La petite Zélie est d’une humeur massacrante ce matin. Bras résolument croisés sur la poitrine, mine obtuse et patibulaire, mieux vaut ne pas s’y frotter ! Au-dessus d’elle, une sorte de nuage à son effigie fait lui aussi la tronche. Deux bonnes heures que Zélie tire une tête de trois pieds de long parce qu’elle n’a pas eu sa glace. En chemin, elle ramasse une branche tombée d’un arbre pour piquer les fesses de son frère Napoléon qui, lui, a eu la faveur d’un cornet à deux boules. Une activité qui donne tant de plaisir à la fillette que la mauvaise humeur change de camp. Et hop ! le nuage du mauvais poil est maintenant solidement arrimé au bras de la mère furax. Pas pour longtemps : un raton laveur qui passe par là saisit la branche pour effrayer un vieux monsieur du nom de Lou. Patatra ! celui-ci se prend un gadin dans une immonde flaque de boue. La mère de Zélie ne peut réprimer un rire, et devinez quoi ? C’est Lou qui écope du nuage grognon. Mais quand il va apporter sa salopette toute crottée à Mme Morvan, la teinturière, c’est elle qui se met en rogne. Bref, le mauvais poil se répand comme une traînée de poudre. "Toi-même tu as dû l’attraper plusieurs fois", conclut cet album réjouissant. Lemony Snicket, l’auteur de la série à succès planétaire Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, porte haut l’art du paradoxe : infuser de la bonne humeur avec un album qui parle du contraire. Le dessin signé Matthew Forsythe achève de nous mettre en joie, on adore la trogne de chacun des membres de cette galerie de bougons, jusqu’au chignon choucroute de la teinturière qui porte son crayon derrière l’oreille. Fabienne Jacob