Quatre cents pages parfaitement construites et articulées, ménageant chacune dans sa dernière case un suspense qui donne au livre l’allure d’un "page-turner". Un trait aussi fin et des ambiances en bichromie aussi fragiles que la trace des patins de l’auteure sur la glace. Avec Spinning (Spirale), récit autobiographique dans lequel Tillie Walden raconte sa dure adolescence de patineuse artistique de haut niveau se découvrant parallèlement homosexuelle, se révèle une artiste de très grand talent.

Née en 1996 à Austin (Texas), Tillie Walden a publié son premier titre dès 2015. Tout en produisant un feuilleton en ligne, On a sunbeam, elle en a signé deux autres, dont ce Spinning, qui la met en scène entre 12 et 16 ans. Rythmé par sa vision de 10 figures caractéristiques du patinage artistique, le livre fait apparaître un univers resserré et oppressant. D’abord dans le New Jersey, puis surtout au Texas, la jeune fille sage, issue d’une famille de la classe moyenne supérieure américaine, ne s’appartient pas. Sa vie est entièrement structurée par les entraînements (cours collectifs, séances avec un coach individuel) et les compétitions, qui laissent peu de place à un parcours scolaire compressé. Du lever, le plus souvent dès 4 heures du matin, au coucher, Tillie se trouve ballottée sans guère d’échappatoires.

Douée, elle subit aussi, dans cet univers ultracompétitif, la jalousie agressive, l’hostilité de ses congénères et de leurs mères - si l’homme est un loup pour l’homme, la jeune fille est une louve pour ses égales. Elle le vit d’autant plus mal qu’après avoir acquis dès 5 ans la conviction de son homosexualité, il lui faut maintenant l’assumer. Fabrice Piault