Barbie n’est pas seulement une poupée à laquelle tant de jeunes filles ont voulu ressembler pour le meilleur et pour le pire, elle est aussi devenue une icône de la mode et du cinéma. Et surtout une machine à cash qui a vu ses modèles se démultiplier pour le plus grand profit de la société américaine Mattel qui la commercialise depuis des dizaines d’années. Et qui a inévitablement attiré les convoitises.
Dans cette affaire, une société néerlandaise avait commercialisé plusieurs modèles différents de poupées dénommées « Lauren Deluxe » reproduisant selon la société Mattel les caractéristiques originales de la poupée « Barbie CEO », l'un des nombreux modèles de Barbie.
En matière de contrefaçon, le principe est toujours le même : lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée, l'originalité d'une œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, l'originalité d'une œuvre résulte de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité.
De son côté, la société néerlandaise se défendait en reprochant à la société Mattel de tenter de se créer un monopole sur un genre de visage de poupée, alors que la tête de « Barbie CEO » s’inscrirait dans un fonds commun de têtes de poupées préexistantes. Elle contestait l’originalité revendiquée en l’absence des choix prétendument effectués par l’auteur, du caractère libre de ces choix compte tenu des directives précises de son employeur et du caractère créatif de ces choix au regard de l’art antérieur.
La société Mattel dévoile les secrets de beauté de Barbie
La meilleure défense étant l’attaque, la société Mattel a sorti le grand jeu en dévoilant enfin les secrets de beauté de Barbie, sa fameuse poupée, à savoir :
- une forme de visage ovale, la hauteur équivalant sensiblement au double de la largeur ;
- un front grand, large et sensiblement plat jusqu'à la ligne d'implantation des cheveux ;
- des yeux en amande, le coin externe de l'œil étant situé plus haut que le coin interne, laissant apparaître la paupière mobile ;
- un nez de petite taille, fin et droit dont la pointe est légèrement rehaussée ;
- des lèvres assez charnues, légèrement entre-ouvertes sur les dents (non individualisées) dans un demi-sourire, avec de légères fossettes, ce qui crée un sourire naturel ;
- des joues pleines et bombées, aux pommettes hautes ;
- un menton peu marqué, avec presque pas de ligne de mâchoire vu de profil
Pour la société Mattel, cette combinaison de l'ensemble de ces éléments conférait à la tête « Barbie CEO » « des traits harmonieux et une expression douce et avenante qui la distinguent des têtes de poupée du même genre, cette combinaison traduisant les choix personnels de son auteur » et que la créatrice de la tête « Barbie CEO » a exprimé « sa vision d’une jeune femme intelligente, amicale, avec l’attrait de la fille d’à côté ». Bref, cette simplicité avenante que nous reconnaissons tous à Barbie… The girl next door !...
Enfonçons le clou, la société Mattel soutenait que la société néerlandaise avait contrefait l’œuvre « Barbie CEO » en reproduisant l’ensemble de ses caractéristiques dans un modèle « Lauren », celui-ci présentant la même forme de bouche et de lèvres, le même nez, le même philtrum, les mêmes joues et profil de mâchoires, outre les mêmes yeux, front, menton, oreilles, ovale du visage et proportions entre chaque élément du visage.
« La contrefaçon s'apprécie par la recherche des ressemblances et pas des différences »
La bataille faisait alors rage autour de ses reines de beauté puisque la société néerlandaise sortait sa dernière carte maîtresse : Lauren ne constituait nullement une reproduction à l’identique de la tête « Barbie CEO » en raison de plusieurs différences, dont des oreilles plus petites. Le Tribunal rappelait alors un autre principe fondamental de la contrefaçon : La contrefaçon s'apprécie par la recherche des ressemblances des caractéristiques protégeables de l'œuvre, non par les différences (en ce sens Civ. 1ère, 30 septembre 2015, n° 14-19.105).
Finalement, aux termes de ce combat homérique, le tribunal rendait son verdict en considérant que la combinaison originale des caractéristiques de l'œuvre « Barbie CEO » n’était pas reproduite par le modèle de poupée de « Lauren » : le visage était plus étroit à la base, le menton et les oreilles plus saillants, le front plus plat, en sorte que les ressemblances invoquées n’étaient pas établies.
Ainsi va le monde des poupées, entre dissemblances et ressemblances, et au bout du compte, c’est Ken qui a raison, tel un latin lover aussi prudent que malin : chaque poupée est unique !