Dubravka Ugrešić n'est plus. L'auteure croate a rendu son dernier soupir le vendredi 17 mars 2023 à Amsterdam (Pays-Bas), à l'âge de 73 ans. Marquée par la révolte et l'exil, elle laisse derrière elle une oeuvre écrite prolifique.
Dubravka Ugrešić naît à Kutina, dans une Yougoslavie où sévit le maréchal Tito. Elle fait d'abord ses armes dans le domaine universitaire : diplômée de l’Université de Zagreb, où elle a étudié la littérature comparée et la littérature russe, elle se dirige vers l'enseignement. Il faudra attendre le début des années 1970 pour voir apparaître ses premiers livres destinés aux enfants. En 1993, en pleine guerre d'indépendance, elle s'arrache à son pays natal, mais les souvenirs du conflit la hantent et finissent par nourrir sa prose.
Une essayiste insurgée
Ses textes passent au scalpel la chute du mur de Berlin, la désintégration de la Yougoslavie et les nombreux combats qui ont suivi. Opposée au nationalisme, elle s'attire les foudres des médias conservateurs de l’époque. Rétrospectivement, elle confie au portail internet Tportal : « je crois qu'un État post-national, transnational et interculturel est ce qui convient le mieux à mon tempérament, mon style de vie, mes convictions intellectuelles et idéologiques ». Pour ces idées, on la traite de sorcière. Et c'est d'ailleurs sur cette figure que se cristallise un de ses essais les plus connus, Baba Yaga a pondu un œuf.
Publié en France aux éditions Bourgois le 29 avril 2021 (traduit par Chloé Billon), il raconte la folle excursion de trois femmes âgées à Prague. Une ré-interprétation du mythe de la sorcière Baba Yaga, qui sert à aborder la condition des femmes âgées. Ce récit entérine les prises de position féministes de Dubravka Ugrešić, déjà bien affirmées depuis 1981 et le recueil de nouvelles Dans la gueule de la vie, parodie des romans à l’eau de rose qui dynamite le système patriarcal.
Depuis trois ans, l'auteure croate était envisagée pour le prix Nobel de littérature. Une récompense qui aurait succédé aux nombreux prix qu'elle gagné dans son pays natal et à travers le monde. En 2009, elle est finaliste du Man Booker International Prize. en 2016, le prix international de littérature Neustadt lui est décerné et, en 2018, elle est lauréate du prix du meilleur roman en Croatie.
En France, son dernier livre traduit sera La renarde (Bourgois, 02/02/2023, trad. Chloé Billon), un roman où elle s’interroge sur la littérature et ses grandes figures.