30 mai > essai France > Régis Genté et Nicolas Jallot

Faute de pouvoir montrer un communisme à visage humain, l’Union soviétique s’est évertuée à exhiber un corps musclé, et, notamment, une jambe galbée chaussée de crampons.

Ne faisant pas exception à la règle, le football intègre le programme de la Fizkoult, "le versant sportif du bolchevisme de la "Culture physique" prônant un corps mis à la disposition du collectif purifié des intérêts de classe et de l’individualisme bourgeois". Comme toutes les autres disciplines sportives, il concourt à asseoir le prestige idéologique de l’URSS. Pratiqué par une élite anglophile, le football est importé par des marins anglais à Saint-Pétersbourg, vers 1870. La passion du onze gagne le reste de la population russe. Organisation de compétitions, constitution de clubs… c’est sous la houlette des Starostine, en particulier Nikolaï, génial imprésario et instigateur de l’appropriation de ce sport.

C’est l’histoire de cette acculturation et l’exploitation du foot à des fins extra-sportives par les maîtres du Kremlin que retracent deux journalistes spécialistes de l’ex-bloc soviétique Régis Genté et Nicolas Jallot dans un essai Futbol : le ballon rond de Staline à Poutine, une arme politique. De l’adoption du schéma "bourgeois" de la formation en "W-M" (alignement du goal, 3 défenseurs, 2 demis, 2 inters et 3 attaquants) à la pacification du Caucase en exhortant les jeunes Tchétchènes à fréquenter la pelouse plutôt que la mosquée. De la tournée des joueurs basques républicains en 1937 aux enjeux économiques contemporains liés aux grands-messes internationales sur fond de corruption et de dopage d’Etat. Les auteurs rappellent combien le football, dont on peut dire qu’il est l’engouement sportif le plus partagé à travers le monde, est à la fois facilitateur diplomatique et outil de propagande. Pour le 21e Mondial de football que s’apprête à accueillir la Russie, l’affiche officielle met en scène le héros soviétique Lev Yachine dit "l’araignée noire", histoire de dire que la Fédération russe sous Vladimir Poutine, héritière et des tsars et de l’URSS, entend dominer sur le terrain, et pas que sportif. S. J. R.

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