C'est un enchevêtrement de couloirs digne d'un film de science-fiction, quelque part entre Matrix et Blade Runner. À perte de vue, des étagères métalliques remplies de livres sur une dizaine de mètres de haut et, navigant de l'une à l'autre, des centaines de bacs de plastique se baladant à grande vitesse, dans tous les sens, sûrs de leur destination. Le fait qu'ils n'entrent jamais en collision tient du miracle. Bienvenue dans le futur de la distribution de livre, au centre de MDS, à Dourdan (Essonne).
En 2022, le centre de distribution du groupe Média-Participations fêtera son vingtième anniversaire et n'a jamais été aussi à la page. Alors que le 4e groupe éditorial français élargit ses activités de diffusion et s'apprête à doubler ses équipes de représentants, sa filiale distribution MDS s'équipe pour absorber le surplus logistique à venir en janvier 2022. À cette date, Média- Participations inclura dans son périmètre de distribution les maisons du Seuil, de l'Olivier, Métailié, Delachaux et Niestlé, le Nouvel Attila, les éditions du Sous-sol, de La Martinière et Points. « Ce sont de véritables bouleversements qui arrivent », glisse Stéphane Aznar, directeur général de Média Diffusion. Pour le centre de Dourdan, cela représente une augmentation brutale de 25 % en flux traités et activités de stockage. Une montée en puissance qui s'appuie, à partir de cette fin d'année 2021, sur la mise en service d'un nouveau système PTS (pour picking tray system).
5 000 commandes par jour
En 2010, MDS figurait parmi les premiers clients de ce système de stockage et de préparation de commandes automatisé de la société française Savoye, bien connu de la grande distribution. Trois systèmes PTS ont en dix ans été installés. La quatrième machine inaugurée cet automne est non seulement la plus futuriste mais également la plus imposante. Sur deux allées, 70 mètres de long et 11 mètres de haut, 50 navettes automatiques transportant 17 000 bacs s'affairent pour gérer 24 000 emplacements de livres, et 55 000 références. Fonçant à 5 m/s, les navettes sont capables d'amener un livre entre les mains de l'opérateur en moins de 30 secondes, soit cinq fois plus vite qu'un cariste. Et à l'inverse de ce dernier, la machine ne dort en réalité jamais puisqu'elle profite de la nuit pour réorganiser ses stocks. De quoi traiter et expédier 5 000 commandes chaque jour vers les libraires et les acteurs de la grande distribution et de l'e-commerce.
Ce système de distribution unique aidera MDS à muscler sa stratégie de commande unitaire ou, de l'avis de sa direction, de « distribution à la commande ». Le but, clairement affiché : concurrencer Amazon. « Les lignes de commandes sont bien plus nombreuses qu'avant. Aujourd'hui, on a des libraires qui au lieu de commander une fois par semaine, commandent 3 à 4 fois, et parfois pour un seul manga », raconte Olivier Barbé, directeur général de MDS.
En plus de son futuriste nouveau PTS, MDS a garni son entrepôt de Dourdan de nombreux petits robots, de mini loads, et bras robotisés. Ceci pour les retours, pour charger ou fermer les cartons... La ligne d'office a aussi été doublée, les extensions sont en place depuis le mois d'août dernier. « Nous pouvons traiter deux fois plus de nouveautés qu'avant », affirme fièrement Olivier Barbé, devant les épaisses piles des 90 000 premiers exemplaires du nouvel album de Goldorak, en préparation lors de notre visite.
L'investissement se chiffre au total à plusieurs millions d'euros. « Nous avons compris que l'accès au marché, à savoir la diffusion et la distribution, c'est le nerf de la guerre par les temps qui courent. Et en la matière, ceux qui n'avancent pas reculent », estime Claude de Saint-Vincent, directeur général du groupe Média-Participations. « Toutes ces innovations arrivent dans un contexte étonnamment très porteur », ajoute Thibaut Cartier, directeur commercial de Média Diffusion. « Personne ici n'imaginait sortir du Covid aussi rapidement, dans un contexte aussi positif », précise-t-il.
Aujourd'hui, le centre de distribution de Dourdan revendique un niveau de modernisation jamais atteint, avec 80 % des flux qui sont automatisés (les tâches où le préparateur ne bouge pas). Cet apport des machines doit s'accompagner d'embauches humaines, le but étant de tourner avec 200 salariés en contrat à durée indéterminée et 100 intérimaires. Mais si les PTS répondent présents jour et nuit, le recrutement humain s'avère plus compliqué. À l'instar de secteurs comme la restauration, la direction de MDS doit jouer avec une pénurie de personnel et désespère de trouver preneur pour ses postes de préparateurs de commandes ou de manutentionnaires. À ce jour, une trentaine d'emplois restent à pourvoir.