Parents pauvres de la culture
L’OFC a accordé début avril une enveloppe de 280 millions de Francs suisses, augmentée par les cantons jusqu'à hauteur de 475 millions, pour aider les acteurs culturels à faire face à la crise économique liée à la pandémie de Covis-19. Tous jugent les fonds attribués insuffisants. Mais surtout « les éditeurs et les libraires ont été exclus de ces aides » déplore Laurence Gudin.
Isabelle Chassot, dans un entretien au Temps, rappelle qu’il s’agit d’une première étape et qu’une enveloppe de 50 millions de Francs suisses doit être discutée pour aider les manifestations.
Pour les signataires de la Tribune, « Même s’ils bénéficient de soutiens institutionnels ou privés, les éditeurs et les libraires sont les parents pauvres de la culture. Les montants qu’ils reçoivent restent modestes. » Ils rappellent que « Le Cercle de la librairie et de l’édition de Genève et l’association faîtière LIVRESUISSE ont alerté les autorités fédérales et cantonales afin de leur faire part des risques que représente l’absence de tout soutien à la profession ».
Vision libérale
Selon Isabelle Chassot, toujours dans le quotidien genevois, « Il est faux de dire » qu’on « ne les aide pas ». « Les éditeurs jouent un rôle capital dans la richesse de notre terreau littéraire et intellectuel. La question est celle du type d’aide proposé. (…) Le Conseil fédéral a octroyé au sport et à la culture des aides à fonds perdu (pas des prêts, ndlr), mais dans un cadre strict: les bénéficiaires devaient être ceux qui pâtissaient de l’interdiction de manifestations ou de la fermeture de lieux culturels. Les éditeurs ne se sont pas vu interdire d’exercer leurs activités. Comme d’autres acteurs économiques, les libraires par exemple, ils peuvent recourir aux prêts bancaires garantis par la Confédération. »
Pour les librairies, en revanche, elle se contredit. Obligées de fermer, contrainte pendant quelques semaines de ne pas pouvoir livrer à domicile, elles devraient pouvoir obtenir des aides. Or, la directrice, qui reconnaît que « Les librairies ont beaucoup souffert aussi » et qui sait « combien leur situation est difficile et la crise les a encore affaiblies », elle ne propose rien d’autre que d’appeler « les lecteurs et les lectrices à acheter leurs livres dans une librairie ». Elle reconnaît que « Certains libraires ont fait pendant ces semaines de confinement un travail extraordinaire pour répondre à nos besoins », éludant ainsi l’arrêt d’activité imposé.
Camouflet
« Un camouflet qui nous fait prendre conscience que des hauts fonctionnaires, voire certains responsables politiques de notre pays n’ont aucune connaissance de la réalité de notre métier » résume la tribune des éditeurs et des libraires. Ils rappellent que « Les éditeurs ont travaillé à l’aveugle, en restructurant leur programme de parutions des mois à venir » et que « La fermeture des librairies a sabordé la parution des livres de fin mars à fin juin, livres pour la plupart déjà imprimés et dus aux imprimeurs. »S’estimant lésés comme les directeurs de théâtre, les signataires expliquent que « les éditeurs ont subi l’annulation de nombreuses manifestations concernant leurs livres et leurs auteurs en Suisse ainsi qu’à l’étranger, comme celles des salons du livre et des foires, de Paris, de Londres, de Bologne, de St Malo, peut-être de Francfort en octobre prochain, qui s’annonce très peu fréquentée. Ils ont dû composer avec des festivals réduits à un format numérique ».
« Quant aux librairies, comme les théâtres et les cinémas, elles ont été victimes de l’obligation de fermeture. Toutes leurs manifestations prévues ont été annulées et leurs ventes par correspondance bien en-deçà des ventes habituelles » ajoutent-ils.
« Aujourd’hui, après deux mois de ventes quasi nulles, tandis que le creux de l’été approche, les livres de la rentrée littéraire de septembre sont présentés aux libraires. Sans leur trésorerie habituelle, les précommandes sont plus faibles ; or ces ventes ne seront pas suffisantes à la survie des éditeurs et à celle de leurs auteurs. Les risques de faillites sont considérables » s’alarment-ils, exigeant que les autorités fédérales et cantonales les appuient dans la relance de l’activité avec des aides réelles et concrètes.