Comment préserver et faire vivre l’indépendance dans un environnement éditorial très concentré ? C’est la question que se sont posés les éditeurs indépendants Pierre Banos (éditions Théâtrales), Sophie Caillat (éditions du Faubourg), Serge Ewenczyk (Ça et là), David Meulemans (Aux forges de Vulcain), Christine Morault (MeMo) et Albert de Pétigny (Pourpenser), réunis autour du professeur d’histoire et spécialiste de l’édition Jean-Yves Mollier, lors d’une table-ronde organisée par le Centre national du livre (CNL), mercredi 5 juillet.
Un affranchissement économique
Dans le contexte de l'OPA de Vivendi (Editis) sur Lagardère (Hachette), une énième tentative de définir l’indépendance des éditeurs s’est vite imposée. « L’indépendance, c’est la possession de ses propres moyens de production », a ainsi résumé David Meulemans (Aux forges de Vulcain). En opposition aux « labels indépendants », nouveaux bourgeons des grands groupes aux « ressources délirantes », l’éditeur a ainsi rappelé que l’ « autonomie » _-— terme privilégié à « indépendance » —, des petites structures passe d’abord par un affranchissement économique. Mais pas que. Elles revendiquent souvent « un autre rapport aux auteurs », d’après Serge Ewenczyk (Ça et là) et ont tout intérêt, pour être visibles, à « créer des liens très forts avec un réseau de libraires », a soutenu Christine Morault (MeMo).
Mais l’indépendance a un prix. Une étude socio-économique, dévoilée lors des premières Assises nationales de l’édition indépendante en février dernier, a révélé que les 2240 petites structures recensées ne représentent que 11,5% du chiffre d’affaires de l’édition française. Pour peser un peu plus dans la balance, les éditeurs indépendants se dirigent donc de plus en plus vers des stratégies collectives.
Quand l’union fait la force
En 2016, Aux forges de Vulcain a ainsi constitué avec six autres éditeurs « le Collectif », sous l’égide des éditions Anne Carrère. « En tant que plus gros éditeur du groupe, Anne Carrère disposait des moyens de production et produisait donc pour les autres », a raconté David Meulemans. Un système qui a pris fin après le rachat de la maison par Média-Participation mais qui « temporairement, a permis une accélération des structures indépendantes ». Depuis, les Forges, qui ne craint pas « de concurrence éditoriale » avec La Martinière, s’est associée avec elle et bénéficie ainsi de son système de diffusion/distribution.
De la même façon, les éditions Théâtrales se sont dotées de la structure de diffusion Théâdiff, fruit d’un compromis avec le CDE. « Théâdiff compte pour 22% dans notre chiffre d’affaires. Ça nous permet de compenser des ventes stagnantes », a détaillé Pierre Banos, à l’origine de l’initiative. Au total, douze éditeurs de théâtre sont diffusés par le dispositif. Sophie Caillat, qui a créé les éditions du Faubourg à l’aube du confinement, a aussi intégré le Collectif des éditeurs anonymes (La Déferlante, La goutte d’or, Antilope, Echiquier), diffusé par Harmonia Mundi. Elle prévoit également une montée de capital avec la création des « Amis des éditions du Faubourg ».
De son côté, Christine Morault (MeMo) a fondé le festival itinérant « L’œil du monde », qui s’est tenu à Nantes en mars et avril dernier, réunissant 11 éditeurs jeunesse du monde entier. L’objectif ? « Réunir collectivement des maisons d’édition aux mêmes valeurs et créer une dynamique reprise par les médiathèques, qui continueront d’acheter les livres des maisons de création présentes ». Enfin, pour pallier l’absence d’outils permettant aux maisons indépendantes de connaître leurs chiffres de ventes, Albert de Pétigny (Pourparler) a raconté travailler avec le collectif Coll.LIBRIS (éditeurs du Pays de la Loire), pour obtenir « une plateforme permettant de mutualiser nos données et connaître notre poids réel dans le paysage éditorial ».