Entretien

En Estonie, Joseph Maximillian Dunnigan chasse les livres censurés

Joseph Maximillian Dunnigan, fondateur du musée des livres censurés - Photo Banned Books Museum

En Estonie, Joseph Maximillian Dunnigan chasse les livres censurés

Un passionné de livre, Joseph Maximillian Dunnigan, vient d'ouvrir un musée des livres censurés en Estonie. À côtés des classiques comme Orwell, on trouve également des ouvrages érotiques ou sur le cubisme. Entretien avec le fondateur du musée.

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Par Dahlia Girgis
Créé le 30.12.2020 à 13h00

A Tallinn, capitale de l'Estonie, un musée des livres censurés a été ouvert par Joseph Maximillian Dunnigan le 5 décembre dernier. Travaillant dans l'industrie du film et du cinéma, il a décidé de vivre aussi de sa passion: les livres. Livres Hebdo a discuté avec lui de son projet.


Comment est née l'idée d'ouvrir un musée du livre censuré ?
J'ai voulu changé ma vie et faire quelque chose qui a du sens pour moi et qui me passionne. Quand j'étais jeune, j'ai lu 1984 de George Orwell. Ce livre m'a marqué. J'ai beaucoup d'intérêt pour la liberté d'expression et les langues. J'ai vécu quelques années en Chine avant de venir ici en Estonie, alors les sujets comme ça, j'y suis très sensible.

Quels sont les critères pour qu'un ouvrage intègre votre collection ?
Nous intégrons les livres qui selon plusieurs sources ont été interdits, censurés ou brûlés. Je suis aidé par le cofondateur Urve Leemets et une équipe de bénévoles pour choisir. On ne prend pas un ouvrage juste parce qu'il est jugé controversé, il y en a tellement. Par exemple, aujourd'hui en Estonie, un nouveau livre sur le coronavirus a été retiré de la vente en raison de ses théories conspirationnistes. La question, c'est doit on faire prévaloir la liberté d'expression ou la sécurité sanitaire ?

J'ai mes propres convictions, mais ce n'est pas mon rôle de me prononcer. Je montre l'ouvrage aux visiteurs en expliquant l'histoire et le contexte. Par contre, on n'expose pas des ouvrages qui peuvent porter atteinte à des personnes. L'idée est de venir dans le musée pour découvrir de nouvelles choses et de challenger ses idées.

Combien de livres sont exposés ?
Nous avons 120 références dans le musée et 500 toujours en cours d'études. Nous avons une large collection sur le Royaume-Uni, la Russie et également l'Estonie. Au total, les livres présentés couvrent 12 pays. Dans la section sur les langues, il y a une partie sur la langue basque. Nous n'avons pas d'ouvrages français, bien que j'aimerais beaucoup m'étendre sur cette zone. Je ne parle pas le français donc j'ai besoin de personnes qui pourraient m'aider à travailler là-dessus.

Pouvez-vous nous parler de certaines oeuvres du musée ?
Nous avons des ouvrages comme 1984 de George Orwell mais aussi un livre que je trouve assez drôle qui porte sur le cubisme. En 1973, après le coup d'Etat de Pinochet au Chili, tous les livres sur le communisme ont été brûlés. Le terme "cubisme" faisait penser à Cuba, alors il a été détruit. Il y a aussi 50 nuances de Grey de E.L James. Les gens ne savent pas que ce livre a été interdit et c'est ça qui m'intéresse: faire apprendre de nouvelles choses aux gens.

Comment s'est passé l'ouverture ?
Nous avons ouvert il y a deux semaines maintenant, mais ça fait un an que je travaille sur ce projet. C'était très stupide d'ouvrir pendant l'épidémie de Covid-19, mais tant pis ! Pour l'instant, le musée est financé grâce à des dons sur la plateforme Patreon, et quelques ventes de livres.

La liberté d'expression est un sujet très actuel. Rien que ce matin, j'ai entendu qu'une école aux Etats-Unis avait décidé de retirer L'Odysée d'Homère de son cursus. La raison avancée est que les anciens livres ne véhiculent pas les bons idéaux. Racisme ou autre, il y a des croyances dépassées sur ce qu'un livre doit transmettre comme valeur.

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