Ayant benoitement annoncé ici que je me présentais à l’Académie , j’ai enregistré avec intérêt deux réactions à ce sujet. Un correspondant m’envoie une citation de Bernanos d’où il résulte, si j’ai bien compris, que je réfléchis avec mon derrière. Un(e) autre semble tout à fait désolé(e) de voir descendre aussi bas un écrivain de ma trempe. Je crois vraiment ne mériter ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Peu importe ; ce qui m’intéresse est cette persistance du réflexe anti-académique (aussi vieux, d’ailleurs, que l’Académie elle-même). Mon analyse à moi (déjà exposée il y a quatre ans dans un essai intitulé Une autre langue , que Flammarion rééditera cette année-ci) est la suivante. Nous vivons en un temps où la pensée écrite d’une part (derrière la surabondance mercatique de publications) et la langue française d’autre part, sont soumises à une dévalorisation continuelle. Où l’on peut voir un président de la République consacrer un vaste discours à ce qu’il appelle la culture, sans un mot sur les livres ni sur la langue française. Où les dirigeants des grandes firmes et de la publicité n’ont de cesse de nous faire passer la manie rétrograde et cul-terreuse de parler en français ( * ). Où un livre et un film à succès ( Entre les murs ) présentent une chronique scolaire dans laquelle l’effroyable désagrégation du langage articulé suscitent une espèce d’attendrissement diffus quand elle devrait nous faire honte et peur à tous. Bien. C’est comme ça. Je ne crois d’ailleurs pas que ça allait mieux en 1910 non plus qu’en 1350. Pour d’autres raisons.             Alors ? Alors il reste à ma connaissance deux instances de la République, qu’on n’a pas encore supprimées pour faire des économies, et qui ont en charge le suivi de la langue française : la DGLF, au ministère de la Culture, et l’Académie française. Laissons la DGLF pour une autre occasion. Parlons de l’Académie. Celle-ci a toujours eu pour mission de contribuer à définir une langue française commune à tous, langue qui est devenue la langue de la République. Je crois que c’est encore et plus que jamais utile, à moins qu’on ne souhaite vivre demain dans un hexagone où l’on s’interpellera en basque et en breton, en chinois et en swahili, tandis que les vrais maîtres parleront l’américain. Ajoutons que l’Académie aide chaque année de nombreux écrivains, par des prix qui sont aussi des chèques. Et qu’elle s’efforce de répondre à la « demande de langue française » qui s’exprime encore, ici et là, de par le monde. Evidemment, ceux qui ne font rien du tout pourront toujours trouver que ça ne convient pas… Moi, je trouve que ce n’est pas mal. Et ma candidature est une marque de respect.             Voilà ma façon de penser avec mon derrière. Pour le reste, j’entends continuer encore quelque temps à écrire librement ce que j’ai envie d’écrire (pour autant que ça intéresse quelqu’un), et quant au scrutin du 26 mars, il pourrait bien me fournir, en lieu et place d’un habit vert, une bonne veste. Alors, « pas de souci », (comme on dit à l’Institut) ! (*) « Dans une école de commerce, le fait d’avoir un enseignement totalement en anglais dès la deuxième année me paraît tout à fait fondamental car cela permettra d’obtenir des étudiants et des cadres parfaitement « fluides »?. Ce qui est essentiel dans un monde de plus en plus global. » Mon confrère Sobel me transmet ces propos dus à Laurent Freixe, Directeur général de Nestlé en charge de la zone Europe. Vous avez dit « obtenir des étudiants fluides » ? Je demande à réfléchir, sur la formule et sur la chose. Je crois même que je préfère des académiciens roides.
15.10 2013

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