“Ce matin, j’apprends que le film adapté de ma bande dessinée Pyongyang est annulé. Je n’avais pas beaucoup de contact avec la production et depuis maintenant deux ans que les droits ont été vendus, j’ai toujours eu connaissance des développements par voie d’internet. J’imagine que c’est la Hollywood way”. Tels sont les mots qu’a publié sur son site l’auteur québécois Guy Delisle, alors que le projet d’adaptation cinématographique de sa bande dessinée Pyongyang a été annulé ce vendredi 19 décembre par les studios hollywoodiens New Regency.
Pyongyang relate le voyage de Guy Delisle parti lui-même en Corée du Nord au début des années 2000 pour travailler sur une émission pour enfants. La bande dessinée est remplie d’anecdotes sur la vie quotidienne dans la dictature communiste et Guy Delisle s’attache à montrer “les absurdités générées par le régime dictatorial le plus paradoxal qui puisse s’imaginer”. C’est la maison d’édition française L’association qui a publié la BD originale en 2003. Elle a été depuis traduite dans une quinzaine de langues.
L’auteur rappelle que quelque mois après son retour de Corée du Nord, en 2001, les studios d’animation avaient accueilli fraîchement son album : “Je pensais que ça les amuserait de lire à quoi ressemble le pays où ils produisent leurs séries télé. La réaction a été glaciale, on m’a dit que je n’avais pas le droit de parler de mon séjour là-bas, que mon contrat contenait une clause de confidentialité et que je ne pouvais pas faire ce livre”.
“Ce qui me désole surtout, poursuit Guy Delisle sur son site, ce sont les raisons qui ont conduit à cette annulation. On aurait pu imaginer qu’une grosse multinationale résisterait devant les menaces d’une bande de hackeurs nord-coréens. Apparemment, ils ont su toucher là où ça fait mal”.
Une conséquence de l’affaire The interview
Cette nouvelle survient en effet au lendemain de l’annulation de la sortie du film The interview par Sony Pictures Entertainment. Les studios américains ont en effet annulé jeudi 18 décembre la sortie de cette comédie racontant l’histoire délirante de deux journalistes américains tentant d’assassiner le dirigeant nord-coréen Kim Kong-un, à la suite des menaces de représailles de pirates informatiques possiblement associés au régime nord-coréen. Le magazine américain Variety, estime en outre que cette annulation devrait coûter 75 millions de dollars à Sony. La décision a suscité un tollé sur l’ensemble des réseaux sociaux, et jeté de l’huile sur le feu du débat mondial sur la liberté d’expression.
Sony's decision to pull THE INTERVIEW is unsettling in so many ways. Good thing they didn't publish THE SATANIC VERSES.
— Stephen King (@StephenKing) 18 Décembre 2014
Wow. Everyone caved. The hackers won. An utter and complete victory for them. Wow.
— Rob Lowe (@RobLowe) 17 Décembre 2014
Mardi, des pirates informatiques qui s’autoproclament “gardiens de la paix” et dont la nationalité n’est toujours pas certifiée, avaient menacé directement les cinéphiles qui iraient voir le film The interview. Le mois dernier, les mêmes pirates s’en étaient pris au système informatique des studios Sony Pictures, et avaient révélé des courriels internes. Le régime nord-coréen, qui se défend être à l’origine des attaques, a tout de même appuyé ces actions.